11/04/2008

6)Le Petit Prince , Emile Garçon et l'Europe !

Rediffusion

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Blog paru dans les Annonces de la Seine du 29.11.07 cliquer

a8d950717b18d581e5d3548b600a7181.jpg Petit Prince ( qui est le petit prince ? )
Monsieur le professeur, vous êtes connu pour avoir été un professeur de droit pénal et d’avoir aussi été le père de  notre confrère Maurice Garçon , celui qui a écrit l'Avocat et la Morale.( 1ère partie cliquer, 2ème partie cliquer)

Que pensez-vous de la déclaration de soupçon?

Emile Garçon
Merci Petit Prince de m’avoir invité .

Tout d’abord il est fondamental de ne pas confondre le secret professionnel , l'obligation de vigilance  et l’obligation de déclarer des soupçons, ce sont trois obligations de nature différente. qui mériteraient une analyse plus approfondie mais , en tout état de cause, l'obligation de déclaration d'un soupçon est un coup de poignard  dans l'obligation au secret  professionnel ,la seule obligation sanctionnée pénalement .

Par ailleurs , comme l'a fait remarquer  Mr Zola, un soupçon n'a aucune définition légale.

Je rappelle ce que j’ai écrit en 1897 dans mon commentaire de l’article 378 du code pénal


"Le bon fonctionnement de la société veut que le malade trouve un médecin, le plaideur un défenseur, le catholique un confesseur, mais ni le médecin, ni l'avocat, ni le prêtre ne pourraient accomplir leur mission si les confidences qui leur sont faites n'étaient assurées d'un secret inviolable.

Il importe donc à l'ordre social que ces confidents nécessaires soient astreints à la discrétion et que le silence leur soit imposé sans condition ni réserve, car personne n'oserait plus s'adresser à eux si l'on pouvait craindre la divulgation du secret confié. Ce secret est donc absolu et d'ordre public".

Ces propos montrent, en premier lieu, qu'il n'y a pas de défense, si une part de secret n'est pas maintenu : secret sur l'état de santé de tel ou tel, secret des pensées et des penchants dans la confession, secret des lettres, correspondances et confidences entre un avocat et son client.
Le secret est d'abord un contre-pouvoir.
Il est l'espace qui résiste à l'investigation du public. Il est la part qui protège du regard inquisiteur de la société.et je rejoins ainsi la position de mon ami Beccaria.du moins sur ce point

Le secret professionnel est une garantie de l'Etat de droit

En deuxième lieu, le secret est l'élément central du principe de confiance légitime parce qu'il n'y a pas de défense possible si celui à qui je me confie me trahit, livre mes secrets à mon adversaire ou à l'accusation !

Enfin, le secret ne se borne pas au secret professionnel. Il n'est pas d'abord institué pour le bénéfice de l'avocat ou du notaire, du médecin ou du confesseur mais pour le bénéfice du public, c'est à dire pour un intérêt général, celui d'une société démocratique.

Ainsi, au cours de notre histoire, le secret professionnel des avocats a été  souvent fragile  : vos confrères constituants n’avaient jamais évoqué  le secret professionnel dont il n’a  jamais été fait mention ni dans le décret du 9 octobre 1789 abrogeant l’ordonnance de Colbert -( cliquer pour lire l'édition originale) ainsi que l'obligation de serment de l'accusé- ni dans le code pénal  du 25 septembre 1791 ni dans le "code des délits et des peines " du 24 octobre 1795.

Ce n’est qu’en 1810 que l’obligation au secret est apparue pour les professions de santé et très indirectement pour les avocats.

Le secret de l'avocat est  devenu, par la suite  un principe fondamental de notre société.

Grace à votre  combat, celui des avocats de France
 , il est inscrit à l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971. Celle-ci a même été modifiée en 1997 pour qu'en toutes matières, dans le domaine du conseil comme dans celui de la défense, le secret professionnel couvre tous les documents, notes, correspondances ou pièces du dossier.

Mais attention , comme l'a rappelé un ancien président de l'Assemblée nationale, votre confrère Forni, le secret professionnel doit tenir compte d'autres impératifs.

Vous devez  reconnaître que si le secret professionnel est nécessaire aux sociétés démocratiques, "il n'est pas le seul principe qui doit être observé et, comme souvent, il doit se concilier avec d'autres tout aussi importants : notamment l'égalité de tous les justiciables devant la loi et la recherche de la vérité par les magistrats."

Devant le projet de mise en applications de la 3 ème  directive, votre problème sera de trouver des solutions adaptées,comme l'a précisé votre nouvelle Garde des Sceaux, je sais qu’ils en existent qui n'ont pas été encore été évoquées ,mais, à mon avis, le  principe européen de subsidiarité devra être appliqué si votre président désire maintenir la tradition française historique en la matière.

Permettez moi aussi de me réferer à la position de votre confrère Me Massis qui relie l'obligation de secret à la conscience ( cliquer)

Là, se trouve la rupture culturelle entre l'obligation au secret et
l'obligation à la délation d'un soupçon.

 

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