16/10/2013
LA CONSERVATION DES ACTES D'AVOCAT par MICHEL BENICHOU
LA CONSERVATION DES ACTES D'AVOCAT
Avosactes pour conserver l’acte d’avocat
Le site dédié à la conservation de l’acte d’avocat papier sera ouvert le 21 novembre 2013.
La Conférence des bâtonniers et le barreau de Paris œuvrent de concert sur le site www.avosactes.fr. Celui-ci permettra aux avocats de conserver une version numérisée des actes d’avocats papiers uniquement, cette seule version ayant la force probante pour l’instant.
LA CONSERVATION DES ACTES D'AVOCAT
par MICHEL BENICHOU
La loi du 28 mars 2011 a donc inséré, dans notre offre juridique, l'acte contresigné par avocat. Cet acte est désormais encadré par les articles 66-3-1 et suivants de la loi du 31 décembre 2010 qui donnent un éclairage particulier sur le contreseing de l'avocat et ses conséquences. La profession d'avocat s'était engagée, lors des discussions à tous niveaux, à conserver ces actes. Cette question est toujours en débat et il convient d'affirmer des positions claires et de les suivre.
I) La conservation des actes d'avocat, une plus-value pour les avocats et leur cabinet
Les avocats ont l'habitude de conserver leurs actes et notamment de procédure. Cette conservation a toujours été motivée par la crainte d'une éventuelle responsabilité civile et la durée de conservation était calquée sur la durée de recherche de cette responsabilité. De surcroit, compte-tenu des coûts générés par cet archivage, certains avocats sont toujours assez réticents quant à la conservation de la totalité du dossier, notamment des pièces qui peuvent être volumineuses.
Dès lors, des débats concernant la conservation des actes d'avocat auraient pu exister. Ce n'est pas le cas.
Une conservation non prévue par la loi et les textes
La loi du 28 mars 2011 ne prévoit aucune obligation de conservation. Les trois articles consacrés à l'acte d'avocat entendent traiter de l'obligation de conseil, des conséquences juridiques de l'acte et du contreseing mais ne prévoient nullement de conservation. On aurait pu songer que la notion de sécurité, intimement liée à l'acte d'avocat, nécessitait que cette conservation, pendant une longue période, soit prévue par la loi mais cela aurait pu déplaire aux notaires et autres officiers ministériels. Certains ont tenté de rattacher cette obligation de conservation à la loi 2008-696 du 15 juillet 2008 (articles L211-1 et L211-2 du Code du Patrimoine) qui prévoit une obligation de conservation des archives. Toutefois, ce texte ne s'impose nullement à la profession d'avocat. Le texte vise l'archivage et la production ou la réception d'un acte. Les avocats ne produisent pas l'acte. Il le contresigne. L'avocat est un tiers au sens de l'article 1326 du Code Civil. Ils ne sont pas considérés comme recevant l'acte. Le Règlement Intérieur National ne prévoit pas de règles de conservation. En fait, la conservation était uniquement liée à la défense de l'avocat dans le cadre d'une action en responsabilité engagée par son client. Cette conservation des actes d'avocat est néanmoins évidente et correspond à l'esprit des demandes de la profession. Nous souhaitons renforcer la sécurité juridique, nous imposer comme les rédacteurs d'actes. Il convient alors que nos clients bénéficient d'une sécurité complète grâce à cette conservation. Pour les notaires, l'obligation de conservation est prévue par l'article 2 de l'Ordonnance n° 45-2590 du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat. Les notaires doivent recevoir les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d'authenticité et en conserver le dépôt. On pourrait retrouver la trace de cette obligation dans une circulaire du Ministère de la Justice du 10 février 1888 traitant les notaires comme des dépositaires légaux des titres des citoyens. Cela a été repris par les articles 26 et 27 du décret n° 71-1941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires qui rappelle qu'ils sont tenus de garder des minutes de tous les actes qu'ils reçoivent... Ils ne peuvent « se dessaisir d'aucune minute sauf dans les cas prévus par la Loi et en vertu d'un jugement ». Ils ne peuvent donc délivrer que des copies authentiques de ces actes. Cette obligation est sanctionnée civilement (responsabilité du notaire envers les parties mais aussi envers les tiers intéressés) et pénalement (articles 432-15, 432-16 et 433-3 du Code Pénal). Les notaires doivent conserver les actes, depuis le Décret 2009-1124 du 17 septembre 2009, pendant 75 ans. Auparavant, le délai était de 100 ans. Les autres officiers ministériels (huissiers, ...) sont astreints à une obligation de conservation de 25 ans depuis ce décret (contre 30 ans auparavant). Les notaires se sont organisés pour définir les modalités de cette obligation de conservation (répertoire, minutier central électronique, ...). Le Conseil Supérieur du Notariat s'est doté d'un réseau internet sécurisé et a obtenu la certification d'une signature électronique dès septembre 2007. Une délibération de la CNIL n° 2010-032 du 11 février 2010 a défini les modalités d'accès aux données conservées. Seuls les offices détenteurs et ce uniquement pour les actes qu'ils ont déposés, pourront avoir cet accès direct.
Une conservation imposée par la confiance du client
Dès l'origine, la profession d'avocat a considéré qu'il fallait inscrire cette obligation de conservation. Cela n'a pas été le choix du législateur. Il faut donc que cela s'inscrive dans le cadre de nos règles professionnelles et que l'obligation de conservation soit déontologiquement sanctionnée. Cela est important pour le client. Il faut, dans le cadre de la sécurité juridique extrême que nous espérons, pouvoir leur garantir que l'acte signé et contresigné sera, d'une part conservé et, d'autre part retrouvé au moment où il le souhaitera. Cela, par ailleurs, constituera une plus-value pour les avocats et pour les cabinets. On sait que le système notarial est, notamment, fondé sur la fidélisation des clients aux études. Le client ne part pas avec son acte. Il a parfaitement confiance en son notaire qui le conserve. Il sait qu'à tout moment il retrouvera auprès de ce notaire ou de ses successeurs une copie de l'acte qui pourra alors lui être délivré. Le client de l'étude retournera auprès du notaire rédacteur du successeur. La conservation assure la pérennité des études et forme leur volume de clientèle. Les notaires ont, de surcroit, organisé une traçabilité des actes. Cela sécurise en renforce la certitude qu'à le client de retrouver son acte. Ils ont multiplié les fichiers (ficher central des dispositions des dernières volontés créé en 1971, minutier central électronique des notaires de France). Il faut que notre système se développe sur la même base de confiance. C'est un élément fort dans la relation entre le client et l'avocat. Cela permettra également, à titre accessoire, de régler partiellement une des difficultés soulevée concernant l'acte d'avocat soit l'absence de date certaine. En effet, grâce au système électronique, nous auront rapidement un datage et même un horodatage du dépôt de l'acte. Certes, cela ne remplacera pas l'enregistrement. Toutefois, nous sommes dans la même situation que les notaires qui doivent faire enregistrer tous les actes ayant des conséquences fiscales. Il reste à s'interroger sur les modes de conservation et les difficultés pouvant survenir.
II) Les modes de conservation
La première obligation pèse sur l'avocat et la seconde sur la profession qui doit s'organiser.
Il appartient à chaque avocat qui contresigne de conserver l'acte.
Ainsi, chacun des avocats qui contresignent doit obtenir un acte original qu'il conservera au profit de son client. Il sera donc utile de prévoir, parmi les clauses de l'acte, celle visant d'une part la délivrance des exemplaires aux avocats et, d'autre part, celle qui prévoira la conservation de l'acte, les conditions de sa restitution et de délivrance de copies certifiées par l'avocat. Il sera concevable, conformément aux dispositions de l'article 1325 du Code Civil, que l'acte d'avocat soit établi en autant d'exemplaires originaux que de parties contractantes avec un exemplaire original supplémentaire conservé par le ou les avocats, lesquels pourront en délivrer copie à chacune des parties conseillées. Il faut prévoir que la conservation sera individuelle et collective, sous le contrôle de l'Ordre des Avocats concerné et du Conseil National des Barreaux. Cette conservation devra, à mon avis, avoir une durée minimale de 25 ans pour adopter la durée de conservation de la plupart des officiers ministériels. Cette conservation pourra avoir un coût. Il devra être extrêmement limité. Naturellement, il faudra prévoir les incidents de la vie d'un avocat. Pour être à jour de cette conservation, un répertoire des actes d'avocat devra être ouvert dans chaque cabinet et les actes signés devront être inscrits avec les noms des parties, la nature de l'acte et les dates du contreseing et des signatures. Le successeur devra conserver les actes et le répertoire. L'obligation de conservation des actes s'étendra à tous les actes d'avocat, ceux de son ou de ses prédécesseurs comme les siens. Il devra donc être procédé, au moment de l'acquisition du cabinet, à un inventaire des actes d'avocat. En cas de disparition du cabinet d'avocat ou de la structure (démission sans successeur, radiation, retraite sans successeur, ...), c'est l'Ordre des avocats dont relève l'avocat qui devra prendre la suite et l'administrateur désigné devra récupérer le répertoire et les actes. Mais, cette conservation individuelle ne suffit pas. La profession doit organiser une conservation collective. Cette conservation doit être physique et électronique. Tous les actes d'avocat doivent être conservés par la profession qui devra, pour ce faire, se doter d'un système d'archivage collectif de locaux adéquats pour ce stockage physique. Un coût est prévisible. Il s'agira des investissements qui devront pris en charge par la profession d'avocat. Un coût minime devra être répercuté aux cabinets d'avocats qui décideront soit de l'intégrer dans leurs honoraires, soit de répercuter le coût au centime d'euros près au client aux fins qu'il y ait une totale transparence. Cet archivage aura lieu soit sous format papier, soit avec une solution de numérisation. Naturellement, toute garantie de protection des données devra être étudiée. Cette conservation physique suppose un dépôt par l'avocat avec un bordereau qui devra être formaté aux fins de permettre, d'une part l'archivage, d'autre part la possibilité de retrouver cet acte. Outre l'identité des parties, la nature de l'acte, la date, certains éléments devront être prévus aux fins qu'il n'y ait pas de difficultés pour retrouver l'acte. Cela est d'autant plus compliqué que dans certaines matières les éléments que les clients pourront évoquer pour savoir si un acte d'avocat a été signé et surtout pour le retrouver seront extrêmement minces. Ainsi souvent en matière de baux commerciaux, on ignore le nom du propriétaire initial, le nom du premier locataire, la date de signature du bail ou des avenants successifs. Finalement, le seul élément qui reste constant est la localisation du fonds de commerce. Ainsi, une palette d'éléments de référence devra être prévue pour retrouver facilement et rapidement l'acte. L'accès aux actes sera contrôlé et possible pour les avocats, les Ordres et le CNB selon les cas. Le RPVA devra permettre cette transmission des actes. Cet acte sous signature d'avocat sera donc aussi un acte électronique, conservé électroniquement. La loi du 13 mars 2000 a introduit, dans le Code Civil, l'article 1316-4 donnant effet à la signature électronique. Le décret du 30 mars 2001 en a organisé les modalités. Toutefois, cela constituera une étape supplémentaire. La politique de confidentialité et de sécurité devra être mise en place pour préserver les informations obtenues, empêcher toute utilisation détournée ou frauduleuse des informations et notamment par des tiers non-autorisés. Un dispositif de traçabilité des accès aux actes contenus au sein de ce répertoire central devra être mis en œuvre. Ces systèmes de conservation individuels et collectifs doivent être mis en place rapidement avec des solutions trouvées par la profession. La conservation individuelle doit déjà être mise en place. Dès que l'ensemble des systèmes sera validé, il conviendra d'introduire dans le Règlement Intérieur National l'obligation déontologique qui s'impose. Les Ordres et les écoles devront continuer à contribuer à la formation des avocats concernant cet acte contresigné et sur les obligations et modalités de la conservation individuelle et collective. L'acte contresigné par avocat constitue une chance individuelle et collective de développement des activités dans un marché du conseil juridique extrêmement tendu et concurrentiel. A la différence de nos principaux concurrents, nous ne bénéficions ni de la rente de l'acte authentique en matière immobilière, ni de la rente de la certification des bilans en matière de sociétés. Il nous faut donc être compétitifs et imaginatifs. L'acte d'avocat constitue un potentiel de développement important de l'activité des avocats. Il doit être garanti. Notre argument essentiel est la sécurité juridique et cette sécurité est liée à la conservation des actes d'avocat.
Michel BENICHOU
|
18:48 Publié dans aL'acte d 'avocat | Lien permanent | Commentaires (1) | Facebook | | | | Imprimer | |
Commentaires
Merci à M Bénichou pour cet excellent article très détaillé. Mais, pour faire bref, il faut dire en quelques mots que rien n'a été prévu pour la conservation des actes d'avocats, alors que les avocats sont 50 000.
En face, les notaires, 9 000, sont rompus depuis des siècles à la conservation de leurs actes authentiques ( Enfin lorsque ceux-ci ne disparaissent pas lors d'incendies d'études, ou rongés par les rats et souris, ou égarés, ou volés par d'autres notaires comme cela sera détaillé ultérieurement ....)
Les avocats ont encore beaucoup de travail à faire.
Écrit par : Pf Léonce Folquin | 03/12/2011
Répondre à ce commentaireLes commentaires sont fermés.