01/12/2009
L'aveu sans avocat n'est pas une preuve
YVES MONTANT DANS L'AVEU cliquer
DES DéCLARATIONS AUTO-INCRIMINANTES FAITES EN L’ABSENCE D’UN AVOCAT
NE PEUVENT CONSTITUER LA RAISON PRINCIPALE D’UNE CONDAMNATION PéNALE
Violation de l’article 6 §§ 1 et 3 c) et d)
(droit de se défendre soi-même et de faire interroger les témoins)
de la Convention européenne des droits de l'homme (cliquer)
Arrêt KOLESNIK/UKRAINE du 19 Novembre 2009
UNIQUEMENT EN ANGLAIS
(Application no. 17551/02)
Principaux faits
Le requérant est un ressortissant ukrainien né en 1963 et actuellement détenu à la prison de Jitomir, en Ukraine. En novembre 1998, il fut arrêté, de même que trois autres personnes, pour assassinat et vol qualifié. Au cours de l’interrogatoire initial puis d’une reconstitution des faits, menés en l’absence d’un avocat, le requérant avoua qu’avec d’autres suspects il avait tué deux personnes, en août et en octobre 1998 respectivement. Par la suite, il affirma que la police l’avait forcé à passer aux aveux et à renoncer à son droit à l’assistance d’un avocat.
Après s’être vu attribuer un avocat, l’intéressé rétracta ses aveux et proclama son innocence devant le procureur, en mars 1999.
En juillet de la même année, le tribunal régional renvoya l’affaire au parquet régional pour complément d’instruction, estimant que les autorités chargées de l’enquête avaient enfreint certaines dispositions du code de procédure pénale. Il considérait en particulier que les accusations pénales portées contre le requérant auraient nécessité qu’il fût représenté par un avocat au stade initial de la procédure.
En février 2001, après la réalisation d’un complément d’instruction, le tribunal régional déclara le requérant – qui avait plaidé innocent – coupable d’assassinat et de vol qualifié, et le condamna à une peine de 14 ans d’emprisonnement. La condamnation reposait principalement sur les déclarations auto-incriminantes faites par le requérant lui-même pendant l’interrogatoire initial et sur les dépositions de trois témoins. Les dépositions de deux autres témoins ayant confirmé l’alibi du requérant ne furent pas prises en compte, le tribunal doutant de leur crédibilité. Ce jugement fut confirmé par la Cour suprême en mai 2001.
Griefs, procédure et composition de la Cour
Le requérant se plaignait que la procédure pénale dirigée contre lui avait été inéquitable. Il alléguait qu’au stade initial de l’instruction, il avait été forcé à s’incriminer lui-même et que les principales mesures d’investigation avaient été mises en œuvre en l’absence d’un avocat. Il soutenait également qu’il n’avait pas eu la possibilité d’interroger d’importants témoins à charge, ceux-ci n’ayant pas comparu.
La requête a été introduite auprès de la Cour européenne des droits de l'homme le 2 novembre 2001.
Décision de la Cour
La Cour observe que les tribunaux nationaux ont reconnu la violation des droits procéduraux du requérant pendant la phase initiale de l’instruction, en particulier de ses droits de la défense.
Cependant, les déclarations auto-incriminantes de l’intéressé – recueillies en l’absence d’un avocat et dans des circonstances donnant à penser que la renonciation à ses droits de se faire représenter, de même que ses aveux, ont été obtenus contre sa volonté – ont constitué un élément clé dans sa condamnation. La Cour estime dès lors, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 6 §§ 1 et 3 c).
La Cour rappelle par ailleurs que tous les éléments de preuve doivent en principe être produits en audience publique et en présence de l’accusé, et que celui-ci doit pouvoir interroger ou faire interroger les témoins à charge. En l’espèce, le requérant n’a pas eu la possibilité d’être confronté aux trois principaux témoins, ni pendant l’instruction ni pendant le procès. Il ressort des éléments et explications présentés par le gouvernement ukrainien que les autorités nationales n’ont pas pris de mesures suffisantes pour assurer la comparution de ces témoins devant le tribunal. En dépit de ces carences, les dépositions des témoins ont constitué une part importante de l’ensemble des éléments ayant abouti à la condamnation du requérant. Celui-ci a donc été privé d’un procès équitable à cet égard également. En conséquence, la Cour conclut, à l’unanimité, à la violation de l’article 6 §§ 1 et 3 d).
La Cour dit, par ailleurs, à l’unanimité que le constat d'une violation fournit en soi une satisfaction équitable suffisante pour le dommage moral.
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15:18 Publié dans Le curseur des libertés | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : justice | Facebook | | | | Imprimer | |
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