LA POSITION DE LA FRANCE
La République française, soutenue par la République de Bulgarie, la République tchèque, la République de Lettonie, la République de Lituanie, la République de Hongrie, la Roumanie et la République slovaque, fait valoir, en premier lieu, que la Commission méconnaît la jurisprudence de la Cour. En effet, cette jurisprudence ne limiterait pas l’application de l’article 45, premier alinéa, CE aux seules activités impliquant un pouvoir de contrainte, un tel pouvoir ne constituant que l’une des composantes de l’exercice de l’autorité publique.
53 À cet égard, la Cour aurait reconnu, dans son arrêt Colegio de Oficiales de la Marina Mercante Española, précité, que les fonctions notariales constituent une participation à l’exercice de prérogatives de puissance publique.
54 La participation des notaires à l’exercice de l’autorité publique serait, en deuxième lieu, démontrée par les tâches qui leur sont confiées en matière de collecte d’impôts. Ces tâches ne se limiteraient pas uniquement à la détention de deniers publics, mais comprendraient également la fixation des bases de l’impôt sur le revenu en matière de plus-values immobilières ainsi que la perception des droits d’enregistrement et de l’impôt sur le revenu en matière successorale, les notaires assumant la responsabilité du paiement de ces droits d’enregistrement. En effectuant ces tâches, les notaires liquideraient l’impôt pour le compte de tiers, à savoir leurs clients.
55 La République française souligne, en troisième lieu, à l’instar de la République de Lettonie, de la République de Lituanie, de la République de Hongrie, de la Roumanie et de la République slovaque, que les activités exercées par les notaires comportent l’établissement d’actes authentiques ayant force probante et force exécutoire, ce qui constituerait une manifestation concrète de l’autorité publique. Pour certains actes, tels que les libéralités-partages, les contrats de mariage, les constitutions d’hypothèques, les ventes en état futur d’achèvement et les baux ruraux cessibles, l’intervention du notaire serait une condition de leur validité.
56 Dans l’exercice de son activité, le notaire serait chargé d’expliquer aux parties la portée de leur acte, de s’assurer de leur libre consentement et de poser les questions utiles aux fins d’obtenir les éléments indispensables au respect des dispositions légales. Le notaire serait également tenu de procéder, selon le cas, à toute vérification propre à garantir la validité juridique de l’acte. Par ailleurs, le notaire devrait refuser de recevoir tout acte contraire à l’ordre public ou illégal.
57 En outre, l’acte notarié aurait la force probante la plus élevée dans la hiérarchie des modes de preuve en droit français. Ladite force probante s’attacherait à la date de l’acte, aux signatures qui y sont apposées et aux faits qui sont affirmés par le notaire comme ayant été accomplis par lui-même ou comme s’étant passés en sa présence. L’authenticité de ces éléments ne pourrait être remise en cause que par la voie de l’inscription de faux, prévue aux articles 303 à 316 du code de procédure civile.
58 Par ailleurs, il résulterait de l’arrêt Unibank, précité, que l’intervention d’une autorité publique ou de toute autre autorité habilitée par l’État est nécessaire pour conférer à un acte donné la qualité d’acte authentique.
59 Les actes notariés seraient également dotés d’une force exécutoire sans qu’il soit nécessaire d’obtenir un jugement au préalable. Ainsi, à supposer même que la jurisprudence de la Cour limite l’application de l’article 45, premier alinéa, CE aux seules activités comportant un pouvoir de contrainte, la profession de notaire relèverait de cette disposition en raison du fait que l’acte notarié a force exécutoire.
60 La République française fait valoir, en quatrième lieu, que le statut du notaire dans l’ordre juridique français atteste de la participation directe du notaire à l’exercice de l’autorité publique. Ainsi, les notaires seraient nommés par le ministre de la Justice et soumis au contrôle des procureurs. En outre, ils prêteraient serment et feraient l’objet d’un régime d’incompatibilités strict.
61 Ledit État membre fait observer, en cinquième lieu, que le législateur de l’Union a confirmé que les notaires participent à l’exercice de l’autorité publique. À cet égard, il se réfère aux actes de l’Union mentionnés au point 46 du présent arrêt, lesquels soit excluraient les activités des notaires de leur champ d’application respectif en raison de la participation de ces derniers à l’exercice de l’autorité publique, soit reconnaîtraient que les actes authentiques sont établis par une autorité publique ou par toute autre autorité habilitée à ce faire par l’État. Il découlerait, par ailleurs, des actes mentionnés aux points 47 et 48 du présent arrêt que les actes notariés sont assimilés aux décisions judiciaires.
62 En outre, le Parlement aurait affirmé, dans ses résolutions de 1994 et de 2006, que la profession de notaire participe à l’exercice de l’autorité publique
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