23/07/2020

SECRET DE L AVOCAT ET PERQUISITION : UN ARRET FONDAMENTAL ' CASS CRIM 08.07.20)par C EMMEL

convention droit de l homme 103216-convention-droits-de-l-homme.jpgC’est un arrêt fondamental pour la préservation des droits de la défense dont le bâtonnier est le protecteur. Il appartient au magistrat qui perquisitionne de démontrer par une motivation exhaustive l’existence d’indices avant la perquisition dans un cabinet d’avocat, faute de quoi il ne peut y avoir de perquisition“, commente Vncent Nioré, délégué du bâtonnier de Paris aux perquisitions et auteur de l’ouvrage Perquisitions chez l’avocat.

 Arrêt n°1423 du 8 juillet 2020 (19-85.491) -
Cour de cassation - Chambre criminelle

  • Résumé

Il résulte des articles 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et 56-1 du code de procédure pénale que les perquisitions dans le cabinet d’un avocat ou à son domicile ne peuvent être effectuées, par un magistrat et en présence du bâtonnier ou de son délégué, qu’à la suite d’une décision écrite et motivée prise par le magistrat, qui indique la nature de l’infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, les raisons justifiant la perquisition et l’objet de celle-ci.

Le contenu de cette décision est porté dès le début de la perquisition à la connaissance du bâtonnier ou de son délégué.

L’absence dans la décision des motifs justifiant la perquisition et décrivant l’objet de celle-ci, qui prive le bâtonnier, chargé de la protection des droits de la défense, de l’information qui lui est réservée et qui interdit ensuite le contrôle réel et effectif de cette mesure par le juge des libertés et de la détention éventuellement saisi d’une contestation, porte nécessairement atteinte aux intérêts de l’avocat concerné.

Excède en conséquence ses pouvoirs le juge des libertés et de la détention qui ordonne le versement au dossier de l’information de documents saisis au cours de cette perquisition irrégulièrement menée

 

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AGHES FAIVRE  Journaliste a  Gotham City a diffuse une analyse  sur cette decision que nous reprenons pour son interet

 

Au matin du mercredi 6 février 2019, plusieurs habitants de Dammartin-en-Goële, localité de Seine-et-Marne d’environ 10’000 habitants, assistaient, ébaubis, à l’intervention de “plus d’une dizaine de gendarmes” selon un témoin, venus de Paris et de Meaux pour perquisitionner les locaux de la mairie. Pour quel motif ? Mystère. Un arrêt du 8 juillet 2020 de la Cour de cassation donne plus d’informations sur cette affaire.

A l’époque, certains anciens élus osent un rapprochement avec des projets immobiliers controversés, sur fond d’urbanisation galopante. “Il y aurait aussi eu une perquisition chez le maire-adjoint à l’urbanisme, qui cumulait cette fonction avec son métier de responsable des programmes immobiliers pour un grand groupe après sa nomination en 2014“, confie l’un d’eux.

D’autant qu’en novembre 2017, Le Parisien révélait que plusieurs élus de la majorité (LR) étaient visés par une enquête préliminaire de la brigade de recherches de la gendarmerie de Meaux pour des tractations supposées avec des promoteurs immobiliers. “Des manœuvres politiques“, arguait alors dans les colonnes du quotidien le maire Michel Dutruge. “Rien à signaler“, serine-t-il ensuite à son équipe municipale à l’issue de la perquisition à la mairie.

Il a fallu attendre la publication d’un arrêt de la Cour de cassation, le 8 juillet 2020, pour y voir plus clair.

 Il en ressort que, le 6 juin 2018, le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Meaux a saisi sa vice-présidente chargée de l’instruction, Nadine Duboscq, pour enquêter sur plusieurs faits accablant la gestion municipale de Dammartin-en-Goële.

Parmi ceux-ci : “harcèlement moral à l’égard de cinq personnes, prise illégale d’intérêts à l’occasion de quatre projets immobiliers, atteinte à la liberté d’accès ou à l’égalité des candidats dans les marchés publics, à l’occasion de quatre marchés publics“.

Cinq mois plus tard, la saisine de la juge est étendue “à des faits d’atteinte à la liberté d’accès ou à l’égalité des candidats” à l’occasion de deux marchés publics, dont l’un concerne la construction d’un Pôle Santé – très attendu dans ce département qui figure parmi les plus grands déserts médicaux de France.

L’arrêt rappelle également, et c’est tout son interêt, la réglementation sur les perquisitions autorisées dans un cabinet d’avocat.

 Car le 6 février 2019, s’est aussi déroulée une perquisition au cabinet Seban & Associés en présence du délégué du bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris. Or, ce dernier, assisté du représentant du batonnier  Vincent Nioré s’oppose à la saisie de certains documents par le juge d’instruction.

Le juge des libertés et de la détention (JDL) du tribunal de Meaux doit alors statuer sur les saisies faisant l’objet de litiges. Et il les déclare valides. Excès de pouvoir, riposte le cabinet d’avocat dans un recours.

 La Cour de cassation examine donc ici les six angles d’attaques de l’ordonnance du JDL contestée par le cabinet Seban. Et retient deux lacunes en amont de la procédure.

D’abord, “l’absence, dans la décision prise par le magistrat, des motifs justifiant la perquisition et décrivant l’objet de celle-ci, qui prive le bâtonnier, chargé de la protection des droits de la défense, de l’information qui lui est réservée et qui interdit ensuite le contrôle réel et effectif de cette mesure par le juge des libertés et de la détention éventuellement saisi, porte nécessairement atteinte aux intérêts de l’avocat concerné“, rend compte l’arrêt de la Haute juridiction.

Ensuite, l’ordonnance de perquisition émanant du juge d’instruction ne contient pas toutes les informations requises, ce qui est préjudiciable au bâtonnier, et de fait, attentatoire aux droits de la défense. En l’occurrence, souligne l’arrêt, le document “n’identifie pas les différents marchés publics visés“, “ne contient pas les noms des personnes susceptibles d’avoir été victimes de harcèlement“, “ne précise pas le document informatique qui aurait été supprimé de manière illégale“. Sept imprécisions sont relevées en tout par cet arrêt, en forme de rappel à l’ordre à l’attention des magistrats.

En ordonnant le versement, au dossier de l’information, de documents saisis au cours d’une perquisition irrégulière, le juge des libertés et de la détention a excédé ses pouvoirs“, considère la Cour de cassation, qui annule de fait l’ordonnance du JDL et ordonne la restitution des documents saisis lors de cette au Cabinet Seban.

C’est un arrêt fondamental pour la préservation des droits de la défense dont le bâtonnier est le protecteur. Il appartient au magistrat qui perquisitionne de démontrer par une motivation exhaustive l’existence d’indices avant la perquisition dans un cabinet d’avocat, faute de quoi il ne peut y avoir de perquisition“, commente Vincent Nioré, délégué du bâtonnier de Paris aux perquisitions et auteur de l’ouvrage Perquisitions chez l’avocat.

 

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