11/02/2011
GAV Les premières experiences suisses
A qui profitent les nouveaux codes suisses ?
Garde à vue: Qui donne l'exemple à la France ?
Un parquet indépendant en Suisse
LA GARDE A VUE NOUVELLE EN SUISSE
Ils sont nombreux à se sentir un peu perdus. Depuis le 1er janvier 2011, juges, procureurs, avocats et policiers doivent empoigner les nouvelles règles de procédure qui s’appliquent désormais de manière unique à l’ensemble de la Suisse. Pour les aider à s’y retrouver dans ce dédale de lois, l’avocat lausannois Christian Favre et l’ancien juge d’instruction Antoine Landry ont concocté un vade-mecum qui réunit, dans un même ouvrage, le pénal, le civil, la procédure applicable aux mineurs ainsi que les lois fédérales en matière d’organisation et de recours. En réalisant cet outil de travail doté d’un index, tous deux ont fait une plongée dans cet univers qui bouscule toutes les habitudes. Surtout dans le canton de Vaud où les avocats, qui ne pouvaient même pas assister aux audiences d’instruction, se trouvent désormais arrachés à leur bureau et propulsés dans les postes de police. Premières impressions.
Le Temps: Les nouvelles règles de procédure risquent-elles de profiter davantage aux justiciables les plus aisés?
Christian Favre: Au civil, l’augmentation des avances de frais peut être importante. L’avocat devra rendre son client attentif à ce point et la décision d’ouvrir un procès pour une faible valeur litigieuse sera plus difficile à prendre. Il est aussi à prévoir que les assurances de protection juridique – qui concernent environ six ménages sur dix en Suisse – prendront de plus en plus d’importance dans ces circonstances.
Antoine Landry: Les choses sont devenues aussi nettement plus ardues et plus compliquées au pénal. A part quelques prévenus privilégiés qui ont les disponibilités financières pour payer des défenseurs afin de faire traîner les choses ou faire invalider des actes en soulevant des moyens de procédure, on ne voit pas quel profit les plus faibles vont tirer de ce surcroît de formalisme. La police doit poser un grand nombre de questions pour la seule ouverture d’un procès-verbal, avant même d’avoir abordé celles qui concernent l’affaire elle-même. Le juge du fond doit aussi ténoriser tout ce qui se dit aux débats, faire relire et signer les propos par les témoins et les experts. C’est une procédure où plus rien n’est laissé au hasard. Sous l’angle de la sécurité du droit, c’est sans doute plus satisfaisant mais encore faut-il avoir les moyens de faire valoir un non-respect de ces règles. Cela suppose d’être défendu et ce n’est pas à portée de n’importe quel justiciable.
– Le droit à l’avocat dit de la première heure est un pas dans cette direction. Qu’en pensez-vous?
A. L. : Si on ne se trouve pas dans un cas de défense obligatoire en raison de la gravité du délit, ni dans un cas de défense d’office où le prévenu est indigent alors que l’affaire requiert tout de même l’assistance d’un avocat pour sauvegarder ses intérêts, le prévenu qui a les moyens pourra mettre en œuvre un défenseur privé alors qu’un autre, moins fortuné, renoncera plus facilement. Cette procédure consacre le droit au défenseur mais n’oblige pas l’Etat à payer l’avocat sauf dans des situations bien particulières.
– Pour l’avocat vaudois qui n’a jamais connu la procédure contradictoire, ce changement prend-il des airs de révolution?
C. F.: Effectivement. J’ai moi-même assuré la permanence des avocats à la mi-janvier. En quatre jours, j’ai été appelé pour trois dossiers différents à la police. Le premier concernait un cas de défense obligatoire dans une affaire de stupéfiants. Je me suis retrouvé le soir, à la gendarmerie d’Yverdon, en compagnie d’un prévenu en situation d’énorme stress. Le dimanche matin, une nouvelle audition était prévue par le procureur à la Blécherette et le lundi devant le Tribunal des mesures de contrainte. Le mardi, on pouvait encore assister à l’audition d’un témoin à Payerne. Pour des avocats habitués à rester assis dans leurs études, le changement est radical et particulièrement chronophage. La nouvelle procédure consomme beaucoup de temps et de moyens, et cela tout de suite. Elle coûtera forcément plus cher même si on peut penser que les autorités de poursuite, conscientes des limites, utiliseront ces moyens à meilleur escient et ne multiplieront pas inutilement les auditions.
– Comment se sont passées ces premières expériences?
C. F.: Le premier contact est toujours difficile. On dispose de 15 minutes pour faire connaissance sans savoir de quoi l’affaire retourne vraiment. La personne arrêtée est généralement très tendue. Il faut essayer de comprendre de sa bouche ce qui peut lui être reproché, recevoir des confidences tout en s’interrogeant déjà sur ce qui peut être admis. Souvent, il faut encore aborder la question des honoraires. Tout cela est très nouveau. L’avocat se retrouve de plus sur le terrain avec des policiers qui ne voient pas forcément sa présence d’un bon œil. Il faudra apprendre à s’apprivoiser.
– Le nouveau code prévoit une procédure simplifiée pour les prévenus qui ont collaboré sur l’essentiel, admis les prétentions civiles et pour lesquels le Ministère public ne compte pas demander une peine supérieure à 5 ans. Un tribunal valide au final l’arrangement et la sanction proposée. Que penser de ce «plea bargain» à l’américaine?
A. L.: Cette voie simplifiée est surtout intéressante pour les cas de délinquance économique. Les arrangements passeront par le dédommagement des personnes lésées. Là encore, ceux qui auront la volonté mais surtout les moyens de rembourser auront un avantage sur les autres. L’ordonnance de condamnation ou ordonnance pénale permettait déjà des issues négociées mais celles-ci pourront désormais concerner des affaires beaucoup plus lourdes.
18:13 Publié dans a-Secret professionnel et Blanchiment, Europe et Justice, Le curseur des libertés | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : garde à vue en suisse | Facebook | | | | Imprimer | |
Les commentaires sont fermés.