19/05/2009

L'acte d'avocat et les notaires à lille

NOTAIRE A LILLE.gif

LES TRIBUNES SUR L'ACTE D'AVOCATS Cliquer

 

LE CONGRES DES NOTAIRES A LILLE   cliquer

 

A l'occasion de leur congrès à Lille, Rachida Dati a tenté hier d'apaiser les notaires inquiets de l'instauration d'un « acte contresigné par avocat ».

 

Pour la ministre de la Justice, cet acte « ne doit pas, ne peut pas être un substitut d'acte authentique », dont les notaires ont le monopole.

Les notaires sont inquiets.

Non contents de subir la crise du marché immobilier qui constitue une grosse partie de leur activité, ils ont été bousculés par la remise du rapport Darrois il y a moins de deux mois. S'ils ont échappé à la fusion avec les avocats, l'instauration d'un « acte contresigné par avocat » a suscité beaucoup d'émoi. Les notaires y voient une possible remise en cause de l'acte authentique, non contestable devant les tribunaux et qui présente des garanties supplémentaires, dont ils ont le monopole en qualité d'officiers du ministère public. A coups de spots radio et d'une campagne de publicité offensive dans les journaux, les notaires ont tout fait ces dernières semaines pour défendre leur pré carré.

« Esprit d'ouverture »

Rachida Dati, lors de son discours au congrès des notaires à Lille hier, a voulu apaiser les esprits : « L'acte contresigné par un avocat ne doit pas, ne peut pas être un substitut d'acte authentique », a- t-elle déclaré, mais sans donner plus de détails sur le contenu et la portée de cet « acte avocat ». Il faudra donc attendre les débats au Parlement sur le futur texte de loi pour en savoir davantage.

 

Congrès des notaires - Lille le 18 mai 2009

Discours de Madame Rachida Dati, Garde des Sceaux, ministre de la Justice 

le discours en pdf   

C’est avec beaucoup de plaisir que je suis parmi vous aujourd’hui. C’est la troisième occasion qui m’est donnée de participer au congrès des notaires de France. C’est un plaisir renforcé par les liens qui se sont tissés entre nous depuis deux ans.


  

Monsieur le Président, Cher Jean-Pierre FERRET

Monsieur le Ministre, Cher Alain

Messieurs les Parlementaires, (Bernard GERARD, Christian VANESTE, Sébastien HUYGHE, André FRAJOLET, Députés)

Messieurs les chefs de cour,

Mesdames et Messieurs les magistrats,

Mesdames et Messieurs les représentants des professions juridiques et judiciaires,

Mesdames et Messieurs les notaires de France, chers Maîtres,

Mesdames et Messieurs,

 

C'est avec beaucoup de plaisir que je suis parmi vous aujourd'hui. C'est la troisième occasion qui m'est donnée de participer au congrès des notaires de France. C'est un plaisir renforcé par les liens qui se sont tissés entre nous depuis deux ans.

Ces relations de qualité se sont nouées avec le Conseil supérieur du notariat et le président Bernard Reynis à qui je veux rendre hommage. Elles se poursuivent tout aussi bien avec vous, Monsieur le Président Ferret.

*

Vous avez, Monsieur le Président, placé votre discours sous le signe de l’engagement et de la bonne volonté. Vous avez également exprimé un certain nombre d’inquiétudes.

Je comprends que vous puissiez être inquiet. Je souhaite de tout cœur que les motifs de cette inquiétude se dissipent. Votre engagement est unanimement reconnu et je tiens, moi aussi, à vous assurer de l’engagement à votre égard. Vous me demandez un message clair. Vous aurez des réponses claires à vos interrogations.

Je sais que la crise économique impacte fortement les ressources de vos offices. A ces difficultés financières s’est ajoutée l’inquiétude face aux travaux entrepris par la mission présidée par Me Jean-Michel Darrois, dont vous venez d’évoquer les conclusions.

Il y a également les contentieux ouverts devant la Cour de Luxembourg sur la condition de nationalité.

*

Monsieur le Président, je suis certaine que vous saurez tenir le cap de la sécurité juridique, de la modernité et de la recherche de l’intérêt général qui est l’honneur et la fierté de votre profession

Vous avez une vision pour l’avenir comme le démontre encore aujourd’hui le thème choisi pour votre congrès : les propriétés incorporelles de l’entreprise.

 

La propriété incorporelle est un élément clé du développement d’une économie moderne. La clientèle, le nom commercial, les brevets, les marques et les droits d’auteur constituent des richesses stratégiques pour nos entreprises.

Le notariat est un acteur essentiel dans la constitution, la gestion et la transmission de la propriété incorporelle.

Plus l’objet de droit est désincarné, plus la sécurité juridique apportée par un officier public et ministériel est utile. La confiance que suscitent vos actes participe de l’efficacité de la vie économique.

*

Vous savez l’estime et la confiance que je porte à votre grande profession. Elles sont encore plus fortes en cette période de crise.

Le Président de la République et le gouvernement mettent tout en œuvre, de façon volontaire et déterminée, pour redonner confiance aux acteurs économiques.

Dans ce contexte, plus que jamais, nous avons besoin de l’acte authentique. Il est porteur d’une sécurité juridique inégalée et justifie le statut du notariat.

C’est bien pour protéger l’acte authentique que le gouvernement français défend avec vigueur le maintien de la condition de nationalité des notaires devant la Cour de justice des Communautés européennes. Ce n’est pas parce que les ressortissants d’autres Etats européens seraient par nature incapables d’exercer vos fonctions, ni même en vertu d’une volonté de protectionnisme.

C’est parce que, en votre qualité de délégataires de l’autorité publique, vous exercez des prérogatives de puissance publique. C’est pour cette raison que vos missions ne doivent être confiées qu’à des nationaux.

C’est pour cette raison également qu’au cours de la présidence française de l’Union européenne, j’ai fait le choix de promouvoir la circulation des actes authentiques dans l’espace européen. C’est dans cet esprit que nous avons ensemble, Ministère de la Justice et Conseil supérieur, organisé une manifestation destinée à valoriser cette idée, en présence de représentants de la plupart des pays de l’Union.

Il est nécessaire de reconnaître la portée juridique de ces actes indépendamment de toute difficulté d’exécution, sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne. Une telle reconnaissance simplifierait de manière significative le quotidien des citoyens et des entreprises qui se déplacent en Europe.

L’idée fait son chemin et devrait être reprise dans le futur programme de travail en matière de justice et d’affaires intérieures pour les années 2010 à 2014. Il sera adopté à Stockholm fin 2009. Le président du Conseil des notariats de l’Union européenne sera en première ligne. N’est-ce pas, cher Bernard REYNIS ? Et vous pouvez compter sur moi.

La reconnaissance mutuelle dans ce domaine ne constitue qu’une première étape. Elle doit déboucher sur l'acte authentique européen , qui s'inscrit dans la ligne que s'est fixée la France : construire une Europe plus proche de ses citoyens.

Le rôle protecteur du notaire et de l’acte authentique a été réaffirmé l’année écoulée dans plusieurs domaines. Vous l’avez rappelé, Monsieur le président :

- Tout d’abord en matière de fiducie : L’ordonnance portant diverses mesures relatives à la fiducie  a exigé que le contrat de fiducie soit établi par acte notarié à chaque fois que les biens transférés dans le patrimoine fiduciaire sont des biens communs ou indivis. Le Gouvernement a considéré que c’était indispensable pour permettre aux personnes physiques qui constituent des fiducies de mesurer parfaitement la portée et les enjeux d’un tel contrat.

- Ensuite en matière de droit des sociétés : la loi du 3 juillet 2008 a confié au notaire le soin d’opérer un contrôle de légalité sur les fusions transfrontalières et sur la constitution de sociétés coopératives européennes.

- C’est le cas également pour la protection de l’entrepreneur individuel : la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie a prévu que la déclaration d’insaisissabilité des biens fonciers non professionnels serait reçue par notaire.

*

Votre profession a su également faire des propositions concrètes, destinées à alléger et rationaliser l’activité des juridictions, dans le cadre des travaux de la commission présidée par le recteur Guinchard.

Ces propositions sont en train d’être adoptées. La proposition de loi du Sénateur Béteille a été adoptée en première lecture au Sénat le 11 février dernier. Elle confère aux seuls notaires la compétence pour recueillir les consentements en vue de l’adoption. Cette mesure soulagera les greffiers en chef des tribunaux d’instance, dont on connaît par ailleurs la lourde charge.

*

Une autre commission a travaillé sur des sujets fondamentaux pour vous. Celle qui a été présidée par Jean-Michel DARROIS. Elle a préconisé « l’acte contresigné par avocat ». Vous en avez longuement parlé. C’est, sans nul doute, la proposition qui est la plus attendue par les avocats. Vous le savez. Ceci vous inquiète car vous en percevez encore mal les contours exacts et les conséquences.

Vous en avez contesté le principe, parce que vous craignez qu’il soit le précurseur de la remise en cause de l’acte authentique et ainsi du cœur de votre mission. J’ai entendu votre inquiétude Monsieur le Président FERRET.

Je vous le redis aujourd’hui, en présence des représentants des avocats que je suis heureuse de saluer, Thierry WICKERS et Pascal EYDOUX, l’acte contresigné par un avocat ne doit pas, ne peut pas être un substitut d’acte authentique.

Je crois souhaitable que le Parlement puisse en débattre le plus sereinement possible dans le respect des spécificités de chaque profession du droit et non pas pour assouvir d’insatiables appétits mon cher Jean-Pierre !

*

J’en viens maintenant à ce que vous avez appelé la troisième partie de votre propos, construite sous le signe de la bonne volonté. Je salue comme vous venez de le faire toutes celles et ceux qui aident les offices en difficulté.

Je vous rends hommage lorsque vous annoncez qu’au-delà de la conjoncture vous allez persévérer dans l’augmentation de vos effectifs, comme nous en étions convenus ensemble.

Une étape a été franchie avec le décret du 22 avril 2009 sur l’évolution des professions juridiques et judiciaires . Ce texte allège la procédure d’instruction des candidatures aux offices créés et celle des nominations aux offices existants.

Pour les nominations, en particulier, la double instruction par le procureur puis par le procureur général a été supprimée. Le traitement des dossiers sera plus rapide.

Un accord a également été trouvé entre le Ministère de la Justice et le Conseil supérieur pour que la Chancellerie puisse tirer le meilleur profit du travail de vérification des aspects financiers du dossier de cession qui est déjà fait par les organes de votre profession.

Au-delà de cette ouverture à de nouveaux professionnels, il est désormais nécessaire de développer une véritable coopération entre les professions du droit, dans l’intérêt des personnes et des entreprises. Je vous donne acte de vous y être engagé.

Cette coopération doit commencer par la formation et par l’interprofessionnalité, comme le recommande le rapport Darrois.

S’agissant de la formation, nous pouvons, commencer par organiser la validation réciproque de formations proposées par les différentes professions et par développer des formations reposant sur des modules communs.

Vous avez souhaité que l’obligation de formation continue soit consacrée par les textes, et c’est ce que fait la proposition de loi déposée par le Sénateur BETEILLE. La formation continue peut être un terrain particulièrement fécond pour travailler ensemble.

En ce qui concerne l’interprofessionnalité, je viens de saisir le Conseil d’Etat d’un projet de décret. Il s'agit d'ouvrir le capital des sociétés de participation financières des professions d'huissiers, de commissaires-priseurs judiciaires et de notaires à d'autres membres des professions judiciaires ou juridiques. C’est déjà le cas pour les avocats. Votre prédécesseur, au congrès de Nice, avait appelé de ses vœux une telle ouverture.

Cette réforme sera complétée par la modification de la loi du 31 décembre 1990 pour permettre à ces sociétés d’investir à la fois dans des cabinets d’avocat et dans des études notariales. Fondé sur le volontariat, le rapprochement entre les professions du droit pourra ainsi se faire en préservant la déontologie et la responsabilité de chacun.

Cet esprit d’ouverture, je sais que vous l’avez. Vous l’avez démontré par votre souci constant de modernisation. Vous avez toujours saisi les opportunités offertes par l'accès aux nouvelles technologies. Je vous en suis reconnaissante, car vous savez que c’est un domaine qui me tient à cœur, pour améliorer le service rendu à nos concitoyens.

Vous avez su saisir les possibilités offertes par la loi du 13 mars 2000 et le décret du 10 août 2005. Vous avez su mettre en place un dispositif qui permet désormais à un notaire d'établir sur support électronique un acte authentique qui a la même valeur juridique que sur support papier. 

La dernière étape de ce processus a été la mise en service du Minutier central électronique des Notaires de France, que nous avons inauguré en septembre dernier au Conseil supérieur du Notariat. Grâce à vous, les notaires de France sont dotés de la signature électronique de niveau 3, soit le niveau de sécurité le plus élevé. Ils disposent des logiciels nécessaires à l’établissement d’actes authentiques sur support électronique. Vous avez su conjuguer modernité et sécurité.

L’état civil vous donne deux occasions de confirmer votre engagement en ce sens .

Je sais que vous avez travaillé, avec le ministère des affaires étrangères et européennes, à un décret qui vous permettra prochainement d’obtenir, par voie électronique sécurisée, la communication des informations contenues dans les copies et extraits d’actes de l’état civil des Français de l’étranger.

Je voudrais également vous remercier pour l’intérêt que vous manifestez pour l’introduction dans le droit français d’une nouvelle procédure : celle de la vérification des données de l’état civil par les officiers de l’état civil dépositaires des actes originaux. Il est indispensable de renforcer la fiabilité de l’état civil et de préserver le respect de la vie privée. Cette nouvelle procédure de vérification est un pari sur l’avenir. A terme, elle permettra d’éviter la production de copies ou d’extraits d’actes de l’état civil.

*

*   *

Mesdames et Messieurs,

Pour conclure je voudrais tout simplement vous dire que vous avez toutes les raisons d’être rassurés : rassurés par l’engagement des pouvoirs publics à vous soutenir, rassurés de la pérennité de vos fonctions, rassurés de l’importance et de l’utilité de votre travail.

Surtout, je voudrais vous dire que c’est vous qui, par votre sérieux et votre professionnalisme, êtes les meilleurs garants de la qualité du notariat français. Par conséquent, vous êtes aussi les garants de la permanence de vos missions, dans un domaine de plus en plus fondamental pour notre société, qui est celui du droit.

Pendant près de deux années consacrées à la réforme de la justice, les notaires ont toujours été des interlocuteurs d’une grande qualité. J’ai apprécié votre dynamisme, votre modernisme, votre grande humanité, et votre grand sens de l’intérêt général. Je tiens à vous remercier pour le travail que nous avons accompli ensemble, au service des français.

Je suis certaine que nous continuerons à travailler ensemble, dans l’intérêt de votre profession, du droit et des citoyens Européens. Je vous le redis avec beaucoup de sincérité et de conviction, merci d’être ce que vous êtes et sachez que vous me trouverez toujours à vos côtés.

Je vous remercie.

07:33 Publié dans aL'acte d 'avocat, NOTAIRE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : justice, acte d'avocat, notaire |  Facebook | | | Pin it! |  Imprimer | | |

Les commentaires sont fermés.