30/07/2015

L’avocat, ce garant de la vérité ?

loyaute.jpgL'article 1er de la  loi du 14 avril 2011 sur la garde à vue  a aussi élargit considérablement nos obligations de mission de service public en nous faisant les témoins obligatoires et légaux d’un aveu d’infraction .

Si pour le plus grand nombre, ce texte ne fait  que consolider notre déontologie, c'est-à-dire de participation à la recherche de la vérité judiciaire, pour d’autres,  certainement une petite poignée d’une vraie grosse main , le changement va être radical.

mise à jour au 19 mai 2001 

Par un arrêt du 11 mai 2001, la chambre criminelle de la cour de cassation fait sienne la jurisprudence de la cour de Strasbourg sur  la non recevabilité d’une déclaration de culpabilité sans avocat.La chambre criminelle casse une décisions de la cour d’appel de Aix en Provence  qui avait  prononcé la condamnation d'un prévenu au seul motif d'aveux obtenus en au cours d'une garde à vue, en 2007, puis rétractés ensuite. 

 Mais elle renvoie cette affaire pour être rejugée 


 

Cass. crim., 11 mai 2011, n° 10-84.251

 

Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, par des motifs qui fondent la déclaration de culpabilité sur des déclarations enregistrées au cours de la garde à vue par lesquelles la personne a contribué à sa propre incrimination sans avoir pu être assistée par un avocat, et ensuite rétractées,la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;D où il suit que la cassation est encourue

 

Note de p Michaud ; en clair un aveu  sans assistance d’un avocat ne doit pas être le seul élément de la culpabilité pénale. Historiquement, la cour revient à la procédure protectrice initiée par les pères fondateurs de notre droit pénal, disciples de Beccaria, qui ont en octobre 1789 abrogé l’ordonnance  criminelle de Colbert ,la question, la sellette, la question et imposé l’avocat à tous les stades de la procédures pénales . 

Cette jurisprudence ne fait que confirmer le nouveau rôle de l’avocat

pour imprimer  

 

Le rôle de l’avocat lors de la garde à vue : Jurisprudence européenne et droit comparé

a)  La défense qui consistait à demander l’annulation d’une procédure pour extorsion d’aveu sous la question disparait.

En fait le nouveau texte  n’est qu’un retour aux sources de notre droit de la défense moderne créé par  le  décret du 9 octobre 1789 par l’abrogation de l’ordonnance de Colbert  et la suppression du serment de l’accusé, de la question et la présence obligatoire d’un conseil des le premier interrogatoire   

b) l’avocat, taisant devant les dénégations de son client, pourra  t il rester taisant alors qu’il connait la vérité ? Nous sommes nombreux à estimer que notre déontologie nous l’interdisait  mais nous l’interdit encore plus encore avec ce nouveau texte

Nous pouvons nous référer à Maurice Garçon un des pères fondateurs de notre déontologie qui avait écrit  dans son ouvrage L’AVOCAT  ET LA MORALE 

L'obligation de sincérité chez l'avocat
par MAURICE GARCON

L’Avocat et la morale 1ère partie   L’Avocat et la morale 2ème partie 

Le cas du client qui passe un aveu confidentiel à son défenseur alors qu’il nie effrontément devant le juge est absolument exceptionnel et on peut dire négligeable parce qu’il ne pose pas de problème. Il est évident que la conscience ne permet pas de plaider frauduleusement contre la vérité et que ce serait un acte frauduleux de soutenir une innocence alors qu’on saurait que l’individu que l’on défend est coupable.

Si l’accusé persiste dans son attitude et veut imposer de plaider ce qu’on sait faux, la solution n’est pas douteuse, il faut se déporter.   ( page 45)

Article 1er (art. préliminaire du code de procédure pénale) - Interdiction de condamnations fondées sur les seules déclarations d'une personne faites hors de la présence d'un avocat 

Le III de l’article préliminaire du code de procédure pénale est complété par un alinéa ainsi rédigé :

 « En matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu’elle a faites sans avoir pu s’entretenir avec un avocat et être assistée par lui. » 

Cet article, introduit en séance publique par un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale , tend à interdire de prononcer une condamnation sur la base des seules déclarations faites par une personne qui n'a pu s'entretenir avec un avocat ou être assistée par lui. 

Après avoir assisté son client lors de l’aveu ,l’avocat devra  alors préparer la défense de son client en analysant et en indiquant  l’ensemble des éléments notamment de droit, de fait, de psychologie qui pourront alors préparer le décision des magistrats.  

 

Il complète à cette fin l'article préliminaire du code de procédure pénale qui fixe les principes essentiels de la procédure pénale : le champ d'application de cette disposition dépasse ainsi le seul cadre de la garde à vue pour concerner les différentes hypothèses dans lesquelles les déclarations d'une personne peuvent conduire à la mettre en cause dans la commission d'une infraction. Tel peut être le cas dans le cadre d'une audition par la police judiciaire à la suite d'une convocation.

Ce principe est directement inspiré de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme qui, dans l'arrêt Salduz c/Turquie du 27 novembre 2008  req. n° 36391/02 , a estimé qu'« il est en principe porté une atteinte irrémédiable aux droits de la défense lorsque des déclarations incriminantes -faites lors d'un interrogatoire subi sans assistance possible d'un avocat- sont utilisées pour fonder une condamnation ».

la portée de ce principe.

En premier lieu, la règle ne vaut pas dès lors que la personne, comme l'a indiqué la Cour de Strasbourg dans un arrêt Yoldas c/Turquie du 23 février 2010,  req n°27503/04 a renoncé de son plein gré, « de manière expresse ou tacite », aux garanties d'un procès équitable à la condition, du moins, que cette renonciation soit entourée d'un minimum de garanties.

Ensuite, il résulte de la mention du mot « seul » que si des déclarations faites sans que la personne ait pu s'entretenir avec un avocat ou être assistée par lui ne peuvent suffire à fonder une condamnation, elles peuvent néanmoins corroborer d'autres preuves. Des effets similaires s'attachent d'ailleurs dans notre droit aux déclarations du témoin anonyme (article 706-62 du code de procédure pénale) qui ne peuvent « seules » fonder une condamnation.

Preuves « non suffisantes » mais « corroborantes » : le principe répond-t-il aux exigences de la Cour européenne des droits de l'homme ?

Dans l'affaire Yoldas précitée, la Cour de Strasbourg constate que la juridiction de jugement a écarté les chefs d'accusation qui n'étaient corroborés ou étayés par aucun autre élément de preuve que les déclarations de l'intéressé et, partant, que les droits de la défense avaient été scrupuleusement respectés.

Par ailleurs, dans deux arrêts récents[1], la Cour de cassation ne casse pas les décisions qui annulent les gardes à vue tenues sans assistance d'avocat dès lors qu'elles  « n'ont pour seule conséquence que les actes annulés n'ont pas constitué des éléments de preuve fondant la décision de culpabilité du prévenu ».

La Cour de cassation ne s'est pas prononcée, en revanche, sur des déclarations qui auraient corroboré d'autres éléments de preuves pour déterminer une condamnation.

La  commission des lois du  Sénat a considéré que la disposition introduite par l'article 1er  instituait une réelle garantie dans les différentes hypothèses prévues par l'article 63-4-2 nouveau du code de procédure pénaleConditions de consultation du dossier par l'avocat et d'assistance de la personne gardée à vue lors des auditions, ainsi que dans les régimes dérogatoires (article 16) et la retenue douanière (article 25), où l'assistance d'un avocat peut être reportée.

Afin de conforter cette protection, la  commission des lois du sénat a adopté un amendement afin d'indiquer que la valeur probante des déclarations de la personne implique qu'elle ait pu s'entretenir avec son conseil et être assistée par lui, alors que le texte du projet de loi présente ces deux conditions comme alternatives.

Le principe posé par le présent article ne renforce pas seulement les droits de la défense, il s'inscrit aussi dans une évolution générale qui tend à privilégier un régime de preuves scientifiques et techniques plutôt que l'aveu.

 source SENAT



[1] 31 Cass. Crim., 4 janvier 2011 et 18 janvier 2011.

Commentaires

Deux points:
1°/ j'ai le triste privilège d'avoir vu mon recours jugé irrecevable par la CEDH, aucune atteinte ne semblant avoir été portée aux textes, contre une condamnation fondée uniquement sur des aveux passés avant tout contact avec un avocat; ceci se passait en juillet 2010, donc à égale "distance" des arrêts qui ont innové puis confirmé la jurisprudence actuelle...

2°/ les considéartions déontologiques ne sont pas inintéressantes mais me rappellent un de mes premiers dossiers criminels; j'avais été commis d'office quinze jours avant l'audience, le confrère initialement chargé du dossier ayant été rendu indisponible par le décès de son père; il y avait deux accusés et le mien reconnaissait sa participation à une tentative d'homicide; il a maintenu ses aveux jusque devant la Cour d'assises alors que je lui avais dit que l'étude du dossier m'avait persuadé de son innocence; j'ai plaidé l'acquittement (ce qui était déontologiquement contestable, je le reconnais) et mon client a été condamné. C'est exactement un an plus tard que le président de la Cour, me hélant dans un couloir du Palais, me dit que j'avais raison et qu'on savait maintenant que le vrai coupable était le frère de mon client.
Pourquoi vous raconté-je tout cela? Simplement pour dire que nous ne connaissons jamais la vérité, ou très rarement, et que nous devons au minimum,plaider le doute... sauf si notre conscience nous l'interdit.

Écrit par : FRAITAG Alain | 12/11/2014

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