La position de la commission

À titre liminaire, la Commission souligne que l’accès à la profession de notaire n’est soumis à aucune condition de nationalité dans certains États membres et que cette condition a été supprimée par d’autres États membres, tels que le Royaume d’Espagne, la République italienne et la République portugaise.

33      Cette institution rappelle, en premier lieu, que l’article 43 CE constitue l’une des dispositions fondamentales du droit de l’Union qui vise à assurer le bénéfice du traitement national à tout ressortissant d’un État membre qui s’établit, ne serait-ce qu’à titre secondaire, dans un autre État membre pour y exercer une activité non salariée, et interdit toute discrimination fondée sur la nationalité.

34      Ladite institution ainsi que le Royaume-Uni font valoir que l’article 45, premier alinéa, CE doit faire l’objet d’une interprétation autonome et uniforme (arrêt du 15 mars 1988, Commission/Grèce, 147/86, Rec. p. 1637, point 8). En ce qu’il prévoit une exception à la liberté d’établissement pour les activités participant à l’exercice de l’autorité publique, cet article devrait, en outre, être interprété de manière stricte (arrêt Reyners, précité, point 43).

35      L’exception prévue à l’article 45, premier alinéa, CE devrait donc être restreinte aux activités qui, par elles-mêmes, comportent une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique (arrêt Reyners, précité, points 44 et 45). Selon la Commission, la notion d’autorité publique implique l’exercice d’un pouvoir décisionnel exorbitant du droit commun se traduisant par la capacité d’agir indépendamment de la volonté d’autres sujets ou même contre cette volonté. En particulier, l’autorité publique se manifesterait, selon la jurisprudence de la Cour, par l’exercice de pouvoirs de contrainte (arrêt du 29 octobre 1998, Commission/Espagne, C‑114/97, Rec. p. I‑6717, point 37).

36      De l’avis de la Commission et du Royaume-Uni, les activités participant à l’exercice de l’autorité publique devraient être distinguées de celles exercées dans l’intérêt général. En effet, diverses professions se verraient attribuer des compétences particulières dans l’intérêt général, sans pour autant participer à l’exercice de l’autorité publique.

37      Seraient également exclues du champ d’application de l’article 45, premier alinéa, CE les activités constituant une assistance ou une collaboration au fonctionnement de l’autorité publique (voir, en ce sens, arrêt du 13 juillet 1993, Thijssen, C‑42/92, Rec. p. I-4047, point 22).

38      En outre, la Commission et le Royaume-Uni rappellent que l’article 45, premier alinéa, CE vise en principe des activités déterminées et non une profession tout entière, à moins que les activités concernées ne soient pas détachables de l’ensemble de celles exercées par ladite profession.

39      La Commission procède, en deuxième lieu, à l’examen des différentes activités exercées par le notaire dans l’ordre juridique français.

40      S’agissant, premièrement, de l’authentification des actes et des conventions, la Commission fait valoir que le notaire se borne à témoigner de la volonté des parties, après avoir conseillé celles-ci, et à donner à cette volonté des effets juridiques. Dans l’exercice de cette activité, le notaire ne disposerait d’aucun pouvoir décisionnel à l’égard des parties. Ainsi, l’authentification ne serait que la confirmation d’un accord préalable entre ces dernières. Le fait que certains actes doivent être obligatoirement authentifiés serait dénué de pertinence, étant donné que de nombreuses procédures auraient un caractère obligatoire sans pour autant être la manifestation de l’exercice de l’autorité publique.

41      Le fait que le notaire engage sa responsabilité lors de l’établissement des actes notariés le rapprocherait de la plupart des professionnels indépendants, tels que les avocats, les architectes ou les médecins, dont la responsabilité serait également engagée dans le cadre des activités qu’ils exercent.

42      Quant à la force exécutoire des actes authentiques, la Commission considère que l’apposition de la formule exécutoire précède la mise à exécution proprement dite sans en faire partie. Ainsi, cette force exécutoire ne conférerait aucun pouvoir de contrainte aux notaires. Par ailleurs, toute contestation éventuelle serait tranchée non pas par le notaire mais par le juge.

43      Deuxièmement, le rôle du notaire en matière de collecte d’impôts ne serait pas constitutif d’une participation à l’exercice de l’autorité publique, dès lors que les personnes privées sont souvent conduites à exercer ce type de responsabilité dans le domaine fiscal. Ainsi, les entreprises privées agiraient pour le compte de tiers lorsqu’elles retiennent le précompte professionnel de leurs employés. Il en irait de même des établissements de crédit qui retiennent le précompte mobilier pour leurs clients bénéficiaires de revenus mobiliers.

44      Troisièmement, le statut spécifique du notaire en droit français ne serait pas directement pertinent aux fins de l’appréciation de la nature des activités en cause.

45      La Commission considère, en troisième lieu, à l’instar du Royaume-Uni, que les règles du droit de l’Union contenant des références à l’activité notariale ne préjugent pas l’application à cette activité des articles 43 CE et 45, premier alinéa, CE.

46      En effet, tant l’article 1er, paragraphe 5, sous d), de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique») (JO L 178, p. 1), que le quarante et unième considérant de la directive 2005/36 n’excluraient de leur champ d’application les activités notariales que dans la mesure où elles comportent une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique. Il s’agirait donc d’une simple réserve qui n’aurait aucune incidence sur l’interprétation de l’article 45, premier alinéa, CE. Quant à l’article 2, paragraphe 2, sous l), de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (JO L 376, p. 36), lequel exclut les activités notariales du champ d’application de cette directive, la Commission souligne que le fait que le législateur ait choisi d’exclure une activité donnée du champ d’application de ladite directive ne signifie pas que l’article 45, premier alinéa, CE est applicable à cette activité.

47      S’agissant du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (JO 2001, L 12, p. 1), du règlement (CE) n° 2201/2003 du Conseil, du 27 novembre 2003, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000 (JO L 338, p. 1), ainsi que du règlement (CE) n° 805/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 21 avril 2004, portant création d’un titre exécutoire européen pour les créances incontestées (JO L 143, p. 15), la Commission estime que ces règlements se bornent à prévoir l’obligation des États membres de reconnaître et de rendre exécutoires des actes reçus et exécutoires dans un autre État membre.

48      En outre, le règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil, du 8 octobre 2001, relatif au statut de la société européenne (SE) (JO L 294, p. 1), ainsi que la directive 2005/56/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 2005, sur les fusions transfrontalières des sociétés de capitaux (JO L 310, p. 1), ne seraient pas pertinents aux fins de la solution du présent litige, ceux-ci se limitant à confier aux notaires, ainsi qu’à d’autres autorités compétentes désignées par l’État, la tâche de certifier l’accomplissement de certains actes et formalités préalables au transfert du siège, à la constitution et à la fusion de sociétés.

49      Quant à la résolution du Parlement européen du 23 mars 2006 sur les professions juridiques et l’intérêt général relatif au fonctionnement des systèmes juridiques (JO C 292E, p. 105, ci-après la «résolution de 2006»), celle-ci serait un acte purement politique, dont le contenu serait ambigu, puisque, d’une part, au point 17 de cette résolution, le Parlement européen aurait affirmé que l’article 45 CE doit s’appliquer à la profession de notaire, alors que, d’autre part, au point 2 de celle-ci, il aurait confirmé la position formulée dans sa résolution du 18 janvier 1994 sur la situation et l’organisation du notariat dans les douze États membres de la Communauté (JO C 44, p. 36, ci-après la «résolution de 1994»), dans laquelle il exprimait son souhait que soit supprimée la condition de nationalité pour l’accès à la profession de notaire prévue dans la réglementation de plusieurs États membres.

50      La Commission et le Royaume-Uni ajoutent que l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 30 septembre 2003, Colegio de Oficiales de la Marina Mercante Española (C‑405/01, Rec. p. I‑10391), auquel font référence plusieurs États membres dans leurs observations écrites, concernait l’exercice par les capitaines et seconds de navires marchands d’un vaste ensemble de fonctions de maintien de la sécurité, de pouvoirs de police ainsi que de compétences en matière notariale et d’état civil. Dès lors, la Cour n’aurait pas eu l’occasion d’examiner en détail les différentes activités exercées par les notaires, au regard de l’article 45, premier alinéa, CE. Par conséquent, cet arrêt ne suffirait pas pour qu’il soit conclu à l’application de cette disposition aux notaires.

51      Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la République française, la jurisprudence de la Cour distinguerait les notaires des autorités publiques en reconnaissant qu’un acte authentique peut être établi par une autorité publique ou toute autre autorité habilitée (arrêt du 17 juin 1999, Unibank, C-260/97, Rec. p. I-3715, points 15 et 21).

 

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