13/11/2010

III Secret professionnel et enquete fiscale

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III  La protection du secret professionnel 
dans le cadre de l’enquête fiscale judiciaire

 

Le secret professionnel est une garantie de l'Etat de droit

 

Colloque « Le secret professionnel »,
organisé par la Conférence des bâtonniers
à l'Assemblée nationale le mercredi 22 novembre 2000

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A) La loi d’ordre public sur le secret de l’avocat 

 

Le  secret professionnel de l’avocat est une servitude de l’avocat pour rester le  protecteur du droit de la défense  

Le non respect de cette obligation est sanctionné pénalement  

Le  secret professionnel de l’avocat n’est pas un alibi corporatiste

La circulaire sur les modalités de perquisition dans un cabinet d'avocat


 

Ila été étendu à l’activité juridique par la  loi n°90-1259 du 31 décembre 1990.

 

Après plusieurs modifications, le texte  légal sur secret de l’avocat, prévu par  l’article 66.5 de la loi de 1971 est le à ce jour le suivant :

 

« En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention "officielle", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel.

Ces dispositions ne font pas obstacle, à compter de la conclusion d'un contrat de fiducie, à l'application à l'avocat qui a la qualité de fiduciaire, de la réglementation spécifique à cette activité, sauf pour les correspondances, dépourvues de la mention " officielle ", adressées à cet avocat par un confrère non avisé qu'il agit en cette qualité. « 

 

B) La protection du secret dans le cadre des ordonnances  judiciaires de visites domiciliaires

 

Le législateur a confirme le principe de secret professionnel des avocats dans le cadre de l’article L16B du livre des procédures fiscales

 « L'officier de police judiciaire veille au respect du secret professionnel et des droits de la défense conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale ; l'article 58 de ce code est applicable »

 

Le principe jurisprudentiel

 

Cass.Com 5.5.1998 n°96-30116

 

1° Il résulte des dispositions combinées des articles 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 et L. 16 B du Livre des procédures fiscales qu'en toute matière, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci et les correspondances échangées entre le client et son avocat sont couvertes par le secret professionnel. Une saisie de pièces répondant à cette définition ne peut être autorisée ou maintenue, à l'occasion d'une visite d'un cabinet d'avocat, qu'à la condition que les documents saisis soient de nature à établir la preuve de la participation de l'avocat à la fraude présumée.

2° Dès lors que l'annulation de la saisie d'une pièce entraîne l'interdiction d'utiliser la copie de cette pièce, l'Administration est sans intérêt à reprocher au juge d'avoir ordonné la restitution des copies, qu'elle détenait encore, des pièces dont la saisie avait été levée.

 

 

Conséquence d’une saisie irrégulière

 

 

La cour administrative d'appel de LYON a annulé un redressement fiscal, fondé sur un avis favorable du CCRAD (comité consultatif pour la répression des abus de droit) sur le seul motif que ce redressement était fondé sur une consultation fiscale émise par un avocat.

La note d'un cabinet d'avocat saisie au domicile du contribuable, même si elle est formellement adressée au comptable de l'intéressé et ne mentionne pas expressément son nom, doit eu égard notamment à l'exacte coïncidence des situations familiales et professionnelles évoquées, être regardée comme une consultation rédigée par les avocats signataires et destinée à ce contribuable, couverte par le secret professionnel en application de l'article 66, 5 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971dès lors, les redressements établis à l'issue d'un examen de la situation fiscale personnelle qui procèdent des éléments contenus dans cette note sont irréguliers.

 

CAA LYON du 26 juin 2007 05LY01861

 

C) La protection des droits de la défense et du secret dans le cadre des visites domiciliaires sur enquêtes préliminaires

 

-Le rôle important de l’officier fiscal judiciaire

Le rôle de l’officier des impôts judiciaires sera similaire à celui de l’OPJ:

 Faire respecter l’article 56 du CPrP 

 « Toutefois, il a l'obligation de provoquer préalablement toutes mesures utiles pour que soit assuré le respect du secret professionnel et des droits de la défense. »

 Appliquer l’Article 58 du CPrP 

Sous réserve des nécessités des enquêtes, toute communication ou toute divulgation sans l'autorisation de la personne mise en examen ou de ses ayants droit ou du signataire ou du destinataire d'un document provenant d'une perquisition à une personne non qualifiée par la loi pour en prendre connaissance est punie de 4 500 euros d'amende et de deux ans d'emprisonnement.

 

-La jurisprudence de la chambre criminelle de la cour de cassation

 

Pour la jurisprudence française, le secret de l’avocat est d’abord fondé sur le droit de la défense

Cour de cassation chambre criminelle 13 décembre 2006 N° 06-87169

 « Le pouvoir, reconnu à l'officier de police judiciaire par les articles 56 et 76 du code de procédure pénale ou au juge d'instruction par l'article 96 dudit code, de saisir les objets et documents utiles à la manifestation de la vérité trouve sa limite dans le principe de la libre défense qui commande de respecter la confidentialité des correspondances échangées entre un avocat et son client et qui sont liées à l'exercice des droits de la défense.

Dès lors encourt la cassation l'arrêt de la chambre de l'instruction qui refuse d'annuler la saisie, effectuée au cours d'une perquisition au domicile de la personne mise en examen, d'un courrier reçu de son avocat ayant trait à l'exécution d'une condamnation pénale, en l'espèce un suivi socio-judiciaire, prononcée dans une instance distincte. »

 

Il est classique de préciser que ce secret est absolu et d’ordre public, toutefois il existe plusieurs exceptions

 

-Le secret n’est pas opposable dans le cas de la défense de l’avocat

 

Cour de cassation chambre criminelle 29 mai 1989 N° 87-82073

 « L'obligation au secret professionnel d'un avocat ne saurait lui interdire, pour se justifier de l'accusation dont il est l'objet et résultant de la divulgation par un client d'une correspondance échangée entre eux, de produire d'autres pièces de cette même correspondance utile à ses intérêts »

-Le secret n’est pas opposable si l’avocat est complice de l’infraction

Cour de cassation chambre criminelle 27 juin 2001 N° 01-81865

 

Qu'en effet, si les pièces échangées entre l'avocat et ses clients sont couvertes par le secret professionnel aux termes de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971, il n'en demeure pas moins que le juge d'instruction tient des articles 96 et 97 du Code de procédure pénale, le pouvoir de saisir de telles pièces lorsque, comme en l'espèce, elles sont de nature à établir la preuve de la participation de l'avocat à une infraction ;

Cour de cassation chambre criminelle 18 janvier 2006 N° 05-86447


Que, même si elle est surprise à l'occasion d'une mesure d'instruction régulière, la conversation entre un avocat et son client ne peut être transcrite et versée au dossier de la procédure que s'il apparaît que son contenu est de nature à faire présumer la participation de cet avocat à une infraction. La violation de ce principe doit être relevée, même d'office, par la chambre de l'instruction, statuant en application de l'article 206 du Code de procédure pénale. »

 

Pour la jurisprudence, lorsque l’avocat participe comme complice à une opération frauduleuse, il perd sa qualité d’avocat et le principe d’ordre public du secret professionnel s’évanouit ipso facto.

Le secret professionnel n’est pas en effet  un alibi pour faciliter la préparation à une infraction y compris fiscale.

 

J La garde à vue fiscale : des réformes en cours

 

 Art 63 CPrP et  Art.77 CPrP)

 

Le droit  de garde à vue de l’officier fiscal judiciaire

Le législateur a accordé aux officiers  fiscaux judiciaires le droit de garder à vue, dans le cadre de des articles  63 et 77 du CPrP,  pour les nécessités de l'enquête toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre l’ infraction prévue à l’article 1741 ou 1743 du code des mots  Il en informe dès le début de la garde à vue le procureur de la République.

Les droits du gardé à vue fiscal

 

Les droits et obligations de l’avocat

 

A ce jour l’article 63- 4 CPrP dispose que l'avocat ne peut faire état de cet entretien préalable auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue et sous peines de sanctions disciplinaires sévèrement contrôlées par la cour de cassation.

 

L’évolution de la jurisprudence de la CEDH sur la garde à vue

 

La cour européenne des droits de l’homme  a dans trois intérêts de principe profondément fait évoluer les conditions  pratiques de la garde à vue : tout en confirmant les droits des états de pratiquer des rétentions privatives de libertés sous le contrôle du parquet c'est-à-dire sans autorisation préalable d’un juge judicaire , elle a amélioré les droits des personnes gardées à vue dans trois directions qui sont analysées ci-dessous.

 

 

Cette évolution, qui obligera la France à modifier sa réglementation, va renforcer la protection des citoyens et mais certainement aussi la responsabilité des avocats

 

1)     Le droit d’être assisté d’un avocat   cliquer

 

Pour que le droit à un procès équitable consacré par l’article 6 § 1 demeure suffisamment « concret et effectif », il faut, en règle générale, que l’accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire d’un suspect par la police, sauf à démontrer, à la lumière des circonstances particulières de l’espèce, qu’il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit.

 

Arrêt de grande chambre  Salduz c. Turquie 27 novembre 2008 requête no 36391/02

 

 

2)   Le droit d’avoir  accès au dossier  cliquer

 

 « L’égalité n’est pas assurée si la défense se voit refuser l’accès aux pièces du dossier »

 

Arrêt de grande chambre  Mooren c. Allemagne 7 juillet 2009 (requête no 11364/03),

 

3) L’aveu sans avocat n’est pas une preuve  

 

Arrêt Kolinski/Ukraine du 19 Novembre 2009  ((Application no. 17551/02)

 

Des déclarations auto-incriminantes faites en l’absence d’un avocat ne peuvent constituer la raison principale d’une condamnation pénale

 

L’article L28-2 nouveau du code de procédure pénale

 

« Art. 28-2. - I. ― Des agents des services fiscaux de catégories A et B, spécialement désignés par arrêté des ministres chargés de la justice et du budget, pris après avis conforme d'une commission dont la composition et le fonctionnement sont déterminés par décret en Conseil d'Etat, peuvent être habilités à effectuer des enquêtes judiciaires sur réquisition du procureur de la République ou sur commission rogatoire du juge d'instruction.

 « Ces agents ont compétence uniquement pour rechercher et constater, sur l'ensemble du territoire national, les infractions prévues par les articles 1741 et 1743 du code général des impôts lorsqu'il existe des présomptions caractérisées que les infractions prévues par ces articles résultent d'une des conditions prévues aux 1° à 3° de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales

 « II. ― Les agents des services fiscaux désignés dans les conditions prévues au I doivent, pour mener des enquêtes judiciaires et recevoir des commissions rogatoires, y être habilités personnellement en vertu d'une décision du procureur général.

 « La décision d'habilitation est prise par le procureur général près la cour d'appel du siège de leur fonction. Elle est accordée, suspendue ou retirée dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

 « Dans le mois qui suit la notification de la décision de suspension ou de retrait de l'habilitation, l'agent concerné peut demander au procureur général de rapporter cette décision. Le procureur général doit statuer dans un délai d'un mois. A défaut, son silence vaut rejet de la demande. Dans un délai d'un mois à partir du rejet de la demande, l'agent concerné peut former un recours devant la commission prévue à l'article 16-2 du présent code. La procédure applicable devant cette commission est celle prévue par l'article 16-3 et ses textes d'application.
« III. ― Les agents des services fiscaux habilités dans les conditions prévues au II sont placés exclusivement sous la direction du procureur de la République, sous la surveillance du procureur général et sous le contrôle de la chambre de l'instruction dans les conditions prévues par les articles 224 à 230. Ils sont placés au sein du ministère de l'intérieur.

 « IV. ― Lorsque, sur réquisition du procureur de la République, les agents des services fiscaux habilités dans les conditions prévues au II du présent article procèdent à des enquêtes judiciaires, il est fait application des deuxième et troisième alinéas de l'article 54 et des articles 55-1, 56, 57 à 62, 63 à 67 et 75 à 78 du présent code.

 « Lorsque ces agents agissent sur commission rogatoire d'un juge d'instruction, il est également fait application des articles 100 à 100-7 et 152 à 155.

 « Ces agents sont autorisés à déclarer comme domicile l'adresse du siège du service dont ils dépendent

 « V. ― Les agents des services fiscaux habilités dans les conditions prévues au II du présent article ne peuvent, à peine de nullité, exercer d'autres attributions ou accomplir d'autres actes que ceux prévus par le présent code dans le cadre des faits dont ils sont saisis par le procureur de la République ou toute autre autorité judiciaire.

 « VI. ― Les agents des services fiscaux habilités dans les conditions prévues au II ne peuvent participer à une procédure de contrôle de l'impôt prévue par le livre des procédures fiscales pendant la durée de leur habilitation. Ils ne peuvent effectuer des enquêtes judiciaires dans le cadre de faits pour lesquels ils ont participé à une procédure de contrôle de l'impôt avant d'être habilités à effectuer des enquêtes. Ils ne peuvent, même après la fin de leur habilitation, participer à une procédure de contrôle de l'impôt dans le cadre de faits dont ils avaient été saisis par le procureur de la République ou toute autre autorité judiciaire au titre de leur habilitation.

L'article L. 228  nouveau du livre des procédures fiscales

Sous peine d'irrecevabilité, les plaintes tendant à l'application de sanctions pénales en matière d'impôts directs, de taxe sur la valeur ajoutée et autres taxes sur le chiffre d'affaires, de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière et de droits de timbre sont déposées par l'administration sur avis conforme de la commission des infractions fiscales.

La commission examine les affaires qui lui sont soumises par le ministre chargé du budget

Le contribuable est avisé de la saisine de la commission qui l'invite à lui communiquer, dans un délai de trente jours, les informations qu'il jugerait nécessaires.

Paragraphe ajouté par l’article 23 de la de finances rectificative pour 2009

 « Toutefois, la commission examine l'affaire sans que le contribuable soit avisé de la saisine ni informé de son avis lorsque le ministre chargé du budget fait valoir qu'existent des présomptions caractérisées qu'une infraction fiscale pour laquelle existe un risque de dépérissement des preuves résulte :

 « 1° Soit de l'utilisation, aux fins de se soustraire à l'impôt, de comptes ou de contrats souscrits auprès d'organismes établis dans un Etat ou territoire qui n'a pas conclu avec la France de convention d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale entrée en vigueur au moment des faits et dont la mise en œuvre permet l'accès effectif à tout renseignement, y compris bancaire, nécessaire à l'application de la législation fiscale française ;
« 2° Soit de l'interposition, dans un Etat ou territoire mentionné au 1°, de personnes physiques ou morales ou de tout organisme, fiducie ou institution comparable ;
« 3° Soit de l'usage d'une fausse identité ou de faux documents au sens de l'
article 441-1 du code pénal, ou de toute autre falsification.

Le ministre est lié par les avis de la commission.

Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions de fonctionnement de la commission.

 

 

 

 

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