Quand les notaires font de l'ombre aux avocats (14/01/2008)

·                                 Quand les notaires font de l'ombre aux avocats 

LE Figaro Laurence de Charette
14/01/2008 | Mise à jour : 08:07 |

Le gouvernement envisage de confier aux notaires le divorce à l'amiable.

« Ah, ils sont vraiment forts, on ne peut pas en dire autant ! » Député et avocat, un élu UMP laisse échapper ce cri du cœur, en comparant le sort du barreau à celui du notariat. En annonçant récemment son intention de confier aux notaires les divorces amiables, l'Élysée les a placés sur le devant de la scène.

Dès cette semaine, leur futur rôle sera au centre des discussions du groupe de travail chargé d'étudier la répartition future des contentieux. Dirigé par le juriste Serge Guinchard, le groupe de travail, qui doit tenir sa première réunion vendredi, va proposer des pistes pour alléger la charge des tribunaux. Outre le divorce par consentement mutuel, les amendes routières pourraient sortir de leurs compétences.

Les représentants des avocats s'alarment de ce mouvement vers une « déjudicia­risation ». Vendredi, ils ont consacré une bonne partie de la journée à travailler le dossier, affûtant leurs arguments, pour affronter ce que la profession ressent déjà comme un bouleversement.

En face, les institutions notariales affichent leur sérénité.

 « S i le gouvernement nous confie cette mission du divorce, nous l'assumerons . Historiquement, le notaire est le juge de l'amiable. C'est cette fonction que l'on redécouvre aujourd'hui, explique habilement Bernard Reynis, président du Conseil supérieur du notariat. Et puis les notaires sont présents partout à travers la France.  » Allusion à la réforme de la carte judiciaire, qui prévoit la suppression de nombreux tribunaux et de quelques barreaux…

Il y a encore peu, la profession n'aurait pas osé rêver voir le divorce non contentieux tomber dans son escarcelle. Ni songer à la perspective de revenus supplémentaires : le seul acte en-dehors de tout conseil au couple leur rapportrait entre 300 et 600 euros.

La confiance des pouvoirs publics

Mois après mois, en tout cas, les notaires engrangent. Les textes récents leur ont confié la responsabilité de l'enregistrement des modifications du contrat de mariage en l'absence d'enfant mineur, auparavant demandées par l'avocat au juge, la rédaction de l'ensemble des actes de notoriété, etc. Le mandat de protection futur, qui leur incombera, a été inscrit dans la loi sur les tutelles et curatelles appliquée en 2009. Autant dire que les pouvoirs publics font confiance à la profession.

Si leur « marché » augmente, les notaires gagnent aussi en légitimité. La profession, dont le monopole sur les actes immobiliers est pourtant depuislongtemps montré du doigtpar Bruxelles, est aujourd'hui amplement consolidée. Les sondages d'opinion montrent que, malgré une image encore parfois trop « poussiéreuse », ces officiers ministériels inspirent confiance aux Français.

À la fois bras de l'État et profession libérale, la force du notariat, malgré ce statut hybride, tient pour beaucoup dans son organisation militaire, tracée dans les statuts rédigés après guerre. Chaque département a sa chambre, chaque région son conseil, et le conseil supérieur chapote l'ensemble. Lorsqu'un président du Conseil supérieur du notariat décide, il ne vient à l'idée de personne de le contredire… L'esprit de corps l'omerta, diront les mauvaises langues est entretenu par un système d'assurance spécifique : au-delà de l'assurance professionnelle classique, les notaires ont créé leur propre assurance qui intervient si jamais l'un d'eux s'avère indélicat. Le ménage se fait donc en famille, et en amont si possible. « Il m'est arrivé de faire comprendre à certains qu'ils feraient mieux de quitter la profession », raconte un ancien président de chambre.

Cet esprit de rigueur et de discipline est transmis très tôt. « Je me souviens de mon stage un peu comme d'un noviciat », raconte Alain Lambert, sénateur UMP, ancien ministre du Budget et ancien président du Conseil supérieur du notariat. Preuve de leur engagement professionnel, près de la moitié des notaires participent à la vie de leurs institutions.

La profession a également pris le pouvoir par le biais de l'informatisation. Depuis une dizaine d'années, le Conseil supérieur a investi, via l'Association pour le développement du service notarial, véritable entreprise basée près de Marseille, dans le développement de solutions informatiques haut de gamme. Du coup, le service des hypothèques de l'État (avec lequel les notaires échangent informatiquement) a même réduit ses fonctionnaires.

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