L'acte d'avocat continue de faire débat (15/09/2009)

AGEFI PATRIMOINE                

L'acte d'avocat continue de faire débat    En pdf   

Par Valentine Clément

le 11/09/2009

Rappel

                                                   

T WICKERS Les vrais enjeux du rapprochement notaires-avocats

 

 

 La position de la Garde des Sceaux (Les Echos 17.09) 

 

Alors que les réflexions sur la réorganisation des professions juridiques ont démarré, les discussions ont repris entre notaires et avocats s’agissant de la création de l’acte d’avocat L’Agefi Actifs revient sur ce point issu de la proposition de loi du député Etienne Blanc déposée en juillet dernier qui continue de susciter la polémique entre les deux professions

 

 

 

 

L’acte d’avocat sera-t-il un des outils de la modernisation des professions du droit ? C’est en tous les cas le souhait exprimé par Nicolas Sarkozy le 26 août dernier, le président de la République faisant alors part de « son attachement à voir rapidement adoptée la proposition de loi déposée par Etienne Blanc visant à créer l’acte d’avocat, outil de sécurité juridique renforcée pour les justiciables français ».
Si la profession notariale est favorable à un renouveau des professions juridiques, elle s’oppose fermement à la création de l’acte d’avocat tel que repris dans la proposition de loi introduite par le député Etienne Blanc. Des responsables des professions concernées livrent leur approche à L’Agefi Actifs.


Christian Charrière-Bournazel, avocat, bâtonnier de Paris.

 - Je souhaiterais tout d’abord préciser qu’il n’y a pas de guerre entre les avocats et les notaires. Nous ne revendiquons pas la possibilité pour tous les avocats de rédiger des actes authentiques qui sont de la compétence des notaires, eux qui ont la délégation du sceau de la Marianne et qui ont une mission d’officier public et ministériel. J’aimerais que nos amis et partenaires notaires cessent d’avoir une quelconque inquiétude à ce sujet-là. Simplement, il est depuis toujours dans la mission de l’avocat d’assister les personnes, si elles le souhaitent, dans la rédaction et la conclusion de leurs contrats. Les actes qui sont du monopole des notaires sont assez limités. Ils concernent essentiellement les mutations immobilières. Mais pour de nombreux actes, que ce soit des statuts de société, des cessions de fonds de commerce ou toute conventions de bail, notre profession les rédigent depuis toujours sans que l’on se plaigne d’une instabilité juridique. Ainsi, l’idée d’une concurrence qui aujourd’hui serait mise en œuvre par les avocats contre les notaires est une idée fausse.
L’acte d’avocat permettrait d’introduire davantage de sécurité juridique et de restreindre les contestations possibles en justice. L’inflation judiciaire actuelle risque de manquer l’objectif qui est celui d’établir une harmonie sociale et une paix dans les rapports humains. Ce sont des précisions importantes pour comprendre ce que les avocats ont dans l’esprit. L’acte d’avocat aura une force probante un peu supérieure à l’acte sous seing privé. Je parle bien de la force probante, pas de la force exécutoire. Cette force probante tient à la présomption, dès lors que les avocats auront contresigné l'acte, que le client a été parfaitement conseillé, informé et a consenti de manière libre et claire aux obligations qui découleront de l’acte. En outre, les dates inscrites à l’acte ne seront pas contestables. Avec ce nouvel acte, c’est tout un contentieux formel qui disparaîtra. La proposition du député
Etienne Blanc me paraît parfaite et est ainsi susceptible d’aboutir rapidement. Et ce n’est pas une première tentative pour accaparer le domaine des notaires. Il n’y a pas à se demander si c’est moins bien ou mieux, c’est indiscutablement mieux pour le justiciable. Enfin, étendre l’acte contresigné à d’autres professions, comme cela est suggéré par certains, banaliserait l’acte d’avocat pour en faire un acte ordinaire. Or, la garantie que procure l'avocat, c'est sa déontologie, contrôlée disciplinairement.

Jean-François Humbert, président de la Chambres des notaires de Paris. -Pour mémoire, la commission Darrois a répondu négativement s’agissant de la question de l’opportunité de la fusion des notaires et des avocats, de même que sur celle de la possibilité pour un avocat d’établir un acte authentique. L’acte authentique est en effet doté de caractéristiques spécifiques qui sont délivrées non pas par le juriste qu’est le notaire mais par l’Etat. Le notaire a en effet reçu les pouvoir de l’Etat pour les délivrer. La contrepartie étant que le notaire se situe dans un fonctionnement de service public. Les avocats ne peuvent donc pas établir d’actes authentiques puisqu’ils sont, par définition, indépendants de l’Etat.
La troisième question qui s’est posée est de savoir si l’on peut reconnaître les compétences techniques des avocats lorsqu’ils établissent un acte. En effet, tout le monde est bien conscient de la qualité supérieure d’un acte rédigé par leur soin. En revanche, ce que le notariat conteste, c’est la formulation de la commission Darrois, qui a été reprise in extenso par le député
Etienne Blanc, précisant que l’acte établi par l’avocat aurait la même foi, donc la même force probante, que l’acte authentique. Or, on ne peut pas affirmer deux choses contradictoires : dire que l’avocat ne peut établir un acte authentique et créer un acte assimilable à l’acte authentique.
Il faut trouver une formulation qui réponde aux demandes des avocats, c'est-à-dire la reconnaissance de leurs prestations intellectuelles, tout en respectant le droit de la preuve tel qu’il existe dans notre système juridique. Et, il ne faut pas oublier non plus que les avocats ne sont pas les seuls juristes en France. La loi du 1er juillet 1971 autorise l’exercice du droit à un certain nombre de professionnels, soit à titre principal, soit à titre accessoire. Le contreseing qui ne bénéficie pas à l’ensemble des juristes encourrait, me semble-t-il, le risque d’une censure par le Conseil constitutionnel pour rupture d’égalité.
Les notaires se disent ainsi favorables à la mise en valeur de la compétence de l’ensemble des juristes par l’institution de la notion de contreseing. Le professionnel engagerait ici sa responsabilité et l’information du signataire de l’acte serait ainsi assurée en raison de l’intervention d’un professionnel. Mais nous ne souhaitons pas la confusion qui aujourd’hui serait introduite par la proposition de loi déposée par Monsieur Blanc.
En outre, nous redoutons que la création d’un acte d’avocat revienne à introduire la loi du plus fort contre le faible. C’est le fort qui sera entouré d’un avocat et le plus faible n’en aura pas. Et avec ce contreseing, plus rien ne serait contestable. Nous attirons donc l’attention sur le fait qu’une mesure comme celle-ci pourrait être de nature à totalement bouleverser un système juridique. Il nous semble important qu’une étude d’impact sérieuse soit effectuée à ce titre.

 

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