NOTARIAT LES VRAIES QUESTIONS DE ME TRONCHET (14/06/2011)
Un blogueur sous le pseudonyme de TRONCHET nous a apporté ses réflexions sur l’arrêt CJUE du 24 mai 2011 en posant des vraies mais bonnes questions dérangeantes et jusqu’à ce jour soumises au tabou d’une pensée unique dominatrice mais tabou destructeur pour notre avenir .
Les réflexions de ce blogueur sont certes provocatrices mais ne rejoignent elles pas celles du Batonnier Wickers ?
Le factum de Monsieur le Batonnier Wickers
Note de P Michaud contrairement à certains ( cf Manifeste contre les notaires source actuel avocat), le cercle du barreau estime que la notariat deviendra une profession d'avenir lorsque les éléments d'une nécessaire paix avec les avocats seront réunis certainement dans les très prochaines années. Une alliance entre les trois professions réglementées du chiffre et du droit pourra alors s'établir sous l'égide d'un de nos prochains ministres -ou pourquoi peut être l'actuel- et ce pour mieux protéger nos concitoyens contre les officines de tout poil et ce dans l'intérêt collectif de nos concitoyens et entreprises .
"En fait les arrêts rendus par la CJUE du 24 mai 2011 sont pour les notaires ce que fut l'arrêt REYNERS rendu le 21 juin 1974 Jean Reyners contre État belge et concernant les avocats à l’égard desquels la participation à l’exercice de l’autorité publique leur a été déniée.
Arrêt de la Cour du 21 juin 1974. - Jean Reyners contre État belge.Affaire 2-74.
cliquer
52 qu’ ' en particulier , on ne saurait considérer comme une participation a cette autorité les activités les plus typiques de la profession d ' avocat , telles que la consultation et l ' assistance juridique , de même que la représentation et la défense des parties en justice , même lorsque l ' interposition ou l ' assistance de l ' avocat est obligatoire ou forme l ' objet d ' une exclusivité établie par la loi ;
53 qu’ ' en effet, l’ exercice de ces activités laisse intacts l ' appréciation de l ' autorité judiciaire et le libre exercice du pouvoir juridictionnel .
) l ' exception a la liberté d ' établissement prévue par l ' article 55 , alinéa 1 , du traite CEE doit être restreinte a celles des activités visées par l ' article 52 qui , par elles-mêmes , comportent une participation directe et spécifique a l ' exercice de l ' autorité publique ; on ne saurait donner cette qualification , dans le cadre d ' une profession libérale comme celle de l ' avocat , a des activités telles que la consultation et l ' assistance juridique , ou la représentation et la défense des parties en justice , même si l ' accomplissement de ces activités fait l ' objet d ' une obligation ou d ' une exclusivité établies par la loi ."
Les notaires sont par conséquent entrés dans le champ d’application des articles 43 et 49 du traité CE et il y a tout lieu de considérer que la profession de notaire est une profession du droit juridiquement soumise au même régime que celui des avocats.
La jurisprudence de la CJUE rendue sur le fondement des articles 43 (liberté d’établissement) et 49 (principe de libre prestation de service) du traité CE au sujet des avocats n’est-elle pas désormais transposable aux notaires puisque précisément ces derniers ne participent pas à l'exercice de l'autorité publique selon les arrêts susvisés ?
En effet il a été jugé par la CJUE (arrêts GEBHARD Affaire C-293/10. , KLOPPAffaire 107/83. , etc) au sujet des avocats que :
Si la profession d’avocat exerce une mission impérieuse d’intérêt général toute restriction à la liberté d’établissement et à la libre de prestation de service doit être proportionnée au regard des objectifs d’intérêt général. Ainsi selon la CJUE une législation nationale, même indistinctement applicable, qui impose l’unicité du cabinet empêche objectivement la liberté d’établissement et cette restriction est manifestement disproportionnée.
Or il existe en droit français la règle de l’unicité de l’office notarial. Cette règle va vraisemblablement réformée.
Mais bien au-delà de la réforme de cette loi et avant même une très probable inclusion de la profession de notaire dans la directive services le fait que pour s’établir en tant que notaire il faut préalablement avoir présenté par un notaire en place moyennant finance (cooptation de fait) ainsi que le prévoit le décret de 1973, ce système d’accès à la profession de notaire ne constitue-t-il une entrave tellement disproportionnée à la liberté d’établissement de l’article 43 du Traité qu’il ne saurait être admis ? (l’établissement est actuellement subordonné au bon vouloir d’un notaire en place !!!)
De même le fait de réserver exclusivement à la profession de notaire une activité particulière (acte soumis à publicité foncière) n’est-ce pas une entrave tellement disproportionnée à la libre prestation de service que cela ne saurait être admis ? (sachant que la cession de parts sociales de société à dominante immobilière, telle une SCI, ne relève pas du monopole !!!)
On peut également se poser les mêmes questions au sujet de la tarification imposée.
En d'autres termes selon la CJUE la liberté d'établissement et la libre prestation de service peuvent concernant les notaires être restreintes pour des raisons impérieuses d'intérêt général mais eu égard au principe de proportionnalité les entraves susmentionnées ne vont-elles pas au delà de ce qui est nécessaire ?
Il y a tout lieu de penser que pour la CJUE, compte tenu de sa jurisprudence constante la réponse serait positive.
Aussi on peut se poser la question de savoir si sur le fondement des arrêts du 24 mai 2011 il n'est pas possible de contester dès à présent le monopole, le numerus clausus, la tarification imposée, devant les juridictions françaises qui formeraient alors probablement un recours préjudiciel devant la CJUE afin de savoir si toutes restrictions ne sont disproportionnées au regard des articles 43 et 49 du traité. En vertu de la Constitution du 4 octobre 1958 les traités internationaux sont supérieurs au droit interne et d'application directe.
A ce titre je précise qu’il y a un précédent car le 9 juin 2006 (affaire n°280911) le Conseil d’Etat avait répondu par l’affirmative en considérant que le notaire était délégataire d’autorité publique mais c’était avant que la CJUE ne le contredise aux termes des arrêts qu’elle a rendu le 24 mai 2011.
Les activités liées à la qualité d'officier public des notaires doivent être regardées comme participant à l'exercice de l'autorité publique et entrent, de ce fait, dans le champ d'application des dérogations aux principes de liberté d'établissement et de libre prestation de services issus du traité instituant la Communauté européenne. Ces stipulations ne peuvent donc être utilement invoquées à l'encontre d'un décret organisant l'accès à la profession de notaire.
C E 9 juin 2006 (affaire n°280911)
"15-03-04 Les activités liées à la qualité d'officier public des notaires doivent être regardées comme participant à l'exercice de l'autorité publique et entrent, de ce fait, dans le champ d'application des dérogations aux principes de liberté d'établissement et de libre prestation de services issus du traité instituant la Communauté européenne. Ces stipulations ne peuvent donc être utilement invoquées à l'encontre d'un décret organisant l'accès à la profession de notaire.
55-03-05-03 Les activités liées à la qualité d'officier public des notaires doivent être regardées comme participant à l'exercice de l'autorité publique et entrent, de ce fait, dans le champ d'application des dérogations aux principes de liberté d'établissement et de libre prestation de services issus du traité instituant la Communauté européenne. Ces stipulations ne peuvent donc être utilement invoquées à l'encontre d'un décret organisant l'accès à la profession de notaire."
La question mériterait d’être à nouveau posée dans le cadre de la position de la cour de j ustice de l'union européenne !!.
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Commentaires
Bonjour,
Puisque le thème vous intéresse je vous invite à consulter l'arrêt suivant : CJUE 12 décembre 1996 RESEIBÜRO BROEDE
A la lecture du raisonnement exposé par la Cour dans cet arrêt on peut se demander par analogie si le fait de réserver aux notaires la rédaction des actes soumis à publicité foncière n'est pas contraire à l'article 49 (Libre prestation de services) du Traité CE.
Selon la CJUE "l' application de règles professionnelles aux avocats, notamment les règles d' organisation, de qualification, de déontologie, de contrôle et de responsabilité, procure la nécessaire garantie d' intégrité et d' expérience aux consommateurs finaux des services juridiques et à la bonne administration de la justice (voir, en ce sens, arrêt du 19 janvier 1988, Gullung, 292/86, Rec. p. 111, et arrêt Van Binsbergen, précité). "
Mots clés
1. Libre prestation des services ° Restrictions ° Admissibilité ° Conditions
(Traité CE, art. 59)
2. Libre prestation des services ° Recouvrement judiciaire de créances ° Restrictions ° Recours obligatoire à un avocat ° Justification par des raisons d' intérêt général ° Protection des destinataires de services et bonne administration de la justice ° Admissibilité
(Traité CE, art. 59)
Sommaire
1. Une réglementation nationale rendant impossible l' exercice pour les ressortissants des autres États membres d' une activité de prestation de services n' échappe à l' interdiction énoncée par l' article 59 du traité que si quatre conditions sont remplies, à savoir qu' elle s' applique de manière non discriminatoire, qu' elle se justifie par des raisons impérieuses d' intérêt général, qu' elle soit propre à garantir la réalisation de l' objectif qu' elle poursuit et qu' elle n' aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l' atteindre, étant précisé que des restrictions motivées par des raisons impérieuses d' intérêt général ne sont admissibles que si cet intérêt n' est pas déjà sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire est soumis dans l' État membre où il est établi.
2. L' article 59 du traité ne s' oppose pas à une réglementation nationale qui interdit à une entreprise établie dans un autre État membre de procéder au recouvrement judiciaire de créances d' autrui en raison du fait qu' une telle activité, exercée à titre professionnel, est réservée à la profession d' avocat. En effet, cette interdiction n' est pas discriminatoire, car elle s' applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, vise à protéger les destinataires de services contre les préjudices pouvant résulter du recours à des personnes dépourvues de qualifications professionnelles ou morales nécessaires et à assurer une bonne administration de la justice, est de nature à atteindre cet objectif en raison de la garantie de compétence qu' assure le recours à un avocat, et ne saurait être qualifiée de disproportionnée, même si on ne la retrouve pas dans d' autres États membres, car il rentre dans la compétence d' un État membre de décider quelle doit être l' étendue du champ d' activité reservé aux avocats.
Parties
Dans l' affaire C-3/95,
ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l' article 177 du traité CE, par le Landgericht Dortmund (Allemagne) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre
Reisebuero Broede
et
Gerd Sandker,
une décision à titre préjudiciel sur l' interprétation des dispositions du traité CE relatives à la libre prestation de services, et notamment de son article 59,
Arrêt
Motifs de l'arrêt
1 Par ordonnance du 27 décembre 1994, parvenue à la Cour le 11 janvier 1995, le Landgericht Dortmund a posé, en application de l' article 177 du traité CE, deux questions préjudicielles sur l' interprétation des dispositions du traité CE relatives à la libre prestation de services, et notamment de son article 59.
2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d' une procédure de recouvrement judiciaire d' une créance engagée à l' encontre de M. Sandker pour le compte de Reisebuero Broede. Le litige porte sur le recouvrement judiciaire de créances par des entreprises de recouvrement qui souhaitent procéder, en Allemagne, au recouvrement de créances d' autrui.
3 Aux termes de l' article 828 de la Zivilprozessordnung du 30 janvier 1877, dans sa version du 12 septembre 1950 (code de procédure civile, BGBl. I p. 455, ci-après la "ZPO"), les actes judiciaires ayant pour objet l' exécution forcée des créances sont de la compétence de l' Amtsgericht.
4 L' article 78 de la ZPO prévoit que le recours au ministère d' un avocat n' est obligatoire que devant les Landgerichte et toutes les juridictions de degré supérieur. Il en découle que le ministère d' un avocat n' est en principe pas obligatoire devant l' Amtsgericht.
5 L' article 79 de la ZPO dispose à cet égard:
"Dans tous les cas où le ministère d' avocat n' est pas exigé, les parties peuvent conduire la procédure par elles-mêmes ou par l' intermédiaire de toute personne capable d' ester en justice et qu' elles constituent leur mandataire."
6 Toutefois, l' article 1er, paragraphe 1, du Rechtsberatungsgesetz du 17 décembre 1935 (loi sur l' activité de conseil en matière juridique, RGBl. I p. 1478, ci-après le "RBerG"), énonce:
"La prise en charge d' affaires juridiques pour autrui, y compris en donnant des conseils juridiques ou pour le recouvrement de créances d' autrui ou après cession, en vue du recouvrement, ne peut être assurée à titre professionnel ° que ce soit comme profession principale ou accessoire, à titre onéreux ou gratuit ° que par des personnes auxquelles l' autorité compétente en a donné l' autorisation. L' autorisation est accordée chaque fois pour un domaine d' activités:
...
5. entreprises de recouvrement, pour le recouvrement extrajudiciaire de créances (bureaux de recouvrement),
...
L' activité ne peut être exercée que sous la dénomination qui correspond à l' autorisation."
7 Reisebuero Broede, la créancière au principal, est une agence de voyages établie à Cologne, en Allemagne. Le 29 décembre 1992, elle a obtenu de l' Amtsgericht Hagen un titre exécutoire à l' encontre M. Sandker, domicilié à Dortmund, dans le même État.
8 Le 8 mai 1994, Reisebuero Broede a habilité INC Consulting SARL (ci-après "INC") à, notamment, engager toutes les mesures de recouvrement nécessaires jusqu' au paiement intégral de la créance. INC est une société enregistrée au greffe du tribunal de commerce de Senlis, en France, sous le n B 391 100 021 (93B185) et dont l' activité consiste dans le recouvrement de créances et le conseil d' entreprise.
9 Le 19 mai 1994, INC a, à son tour, donné un pouvoir à sa gérante, Mme Ramthun, domiciliée à Overath en Allemagne, aux fins de procéder, au nom de Reisebuero Broede, à l' exécution de la décision de l' Amtsgericht Hagen ainsi qu' à toutes les mesures d' ordre juridique qui s' y rapportent.
10 Ainsi, le 6 juin 1994, Mme Ramthun a-t-elle demandé à l' Amtsgericht Dortmund de rendre une ordonnance de saisie-arrêt à l' encontre de M. Sandker.
11 Par ordonnance du 23 août 1994, l' Amtsgericht Dortmund a rejeté cette demande au motif que Mme Ramthun ne disposait pas de la capacité de postulation nécessaire, dès lors que, en droit allemand, il est interdit aux entreprises de recouvrement de représenter en justice les créanciers qui les ont mandatées. Selon cette juridiction, cette interdiction s' applique également aux entreprises de recouvrement étrangères, nonobstant les articles 59 et 60 du traité CE invoqués par Reisebuero Broede. Par acte du 31 août 1994, Mme Ramthun a interjeté appel de cette décision.
12 Considérant que le litige soulevait des questions d' interprétation du droit communautaire, le Landgericht Dortmund a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions suivantes:
"1) L' article 59 du traité CEE s' oppose-t-il à une réglementation nationale qui interdit à une entreprise établie dans un autre État membre de procéder au recouvrement judiciaire de créances d' autrui en raison du fait que cette activité est réservée, selon cette réglementation nationale, aux personnes auxquelles a été délivrée à cet effet une autorisation administrative particulière?
2) Dans l' affirmative, cela vaut-il également lorsque la procédure de recouvrement est soumise exclusivement au droit national en raison du fait que les parties à la procédure d' exécution sont établies dans le pays en question et que le titre exécutoire a également été obtenu dans ce pays?"
Sur la recevabilité
13 Sans soulever d' exception d' irrecevabilité au sens formel du terme, le gouvernement allemand et la Commission expriment des doutes quant à l' existence d' un véritable élément communautaire dans le litige au principal. Ils se demandent en effet si Mme Ramthun, ressortissante allemande résidant en Allemagne, ne représente pas en réalité Reisebuero Broede, une agence de voyages établie en Allemagne, lequel serait son propre client et non celui d' INC.
14 Selon une jurisprudence constante, les dispositions du traité relatives à la libre prestation de services ne peuvent s' appliquer aux activités dont tous les éléments pertinents se cantonnent à l' intérieur d' un seul État membre. La question de savoir s' il en va ainsi dans un cas particulier dépend de constatations de fait qu' il appartient à la juridiction nationale d' établir (voir arrêt du 5 octobre 1994, TV10, C-23/93, Rec. p. I-4795, point 14).
15 En l' espèce, il ressort de l' ordonnance de renvoi et des débats qui ont eu lieu à l' audience que Reisebuero Broede a donné un pouvoir à INC, qui a son siège en France et qui a elle-même donné à sa gérante, Mme Ramthun, un pouvoir au nom de la société créancière.
16 Dans ces conditions, les éléments du dossier ne permettent pas de mettre en doute le caractère transfrontalier du litige au principal.
Sur la première question
17 Par sa première question, le juge de renvoi cherche en substance à savoir si l' article 59 du traité s' oppose à une réglementation nationale qui interdit à une entreprise établie dans un autre État membre de procéder au recouvrement judiciaire de créances d' autrui.
18 A titre liminaire, le gouvernement allemand et la Commission se demandent si les questions soulevées par l' ordonnance de renvoi ne concernent pas le principe de la liberté d' établissement plutôt que celui de la libre prestation de services. En effet, s' il apparaissait que le domicile de Mme Ramthun en Allemagne permettait à INC d' établir une présence permanente en Allemagne ou que son activité était entièrement ou principalement tournée vers le territoire allemand, les dispositions relatives à la liberté d' établissement seraient applicables.
19 A cet égard, il y a lieu de rappeler que les dispositions du chapitre relatif aux services sont subsidiaires par rapport à celles du chapitre relatif au droit d' établissement (voir arrêt du 30 novembre 1995, Gebhard, C-55/94, Rec. p. I-4165, point 22).
20 La notion d' établissement au sens des articles 52 à 58 du traité est une notion très large, impliquant la possibilité pour un ressortissant communautaire de participer, de façon stable et continue, à la vie économique d' un État membre autre que son État d' origine, et d' en tirer profit, favorisant ainsi l' interpénétration économique et sociale à l' intérieur de la Communauté dans le domaine des activités non salariées (voir arrêt Gebhard, précité, point 25).
21 En revanche, les dispositions du chapitre relatif aux services et, notamment, l' article 60, troisième alinéa, du traité prévoient que le prestataire d' un service exerce dans un autre État membre son activité à titre temporaire, étant entendu que le caractère temporaire d' une prestation n' exclut pas la possibilité pour ce prestataire de se doter d' une certaine infrastructure, telle qu' un bureau, un cabinet ou une étude, dans la mesure où elle est nécessaire aux fins de l' accomplissement de la prestation en cause (voir arrêt Gebhard, précité, points 26 et 27).
22 Il appartient au juge de renvoi de vérifier, eu égard à la durée, à la fréquence, à la périodicité et à la continuité des activités d' INC, si cette dernière exerce son activité en Allemagne à titre temporaire au sens du traité.
23 A cet égard, il y a lieu de relever que, en réponse aux questions écrites posées par la Cour, Mme Ramthun a indiqué que, entre février et mai 1994, INC a procédé à six reprises au recouvrement, en Allemagne, de créances pour le compte de Reisebuero Broede. Par ailleurs, lors de l' audience, Mme Ramthun a confirmé qu' INC a procédé en France et en Allemagne au recouvrement de créances pour des clients français et quelques clients étrangers.
24 Dans ces conditions, il convient, pour répondre aux questions posées, de partir de l' hypothèse selon laquelle la situation qui fait l' objet du litige au principal relève de l' article 59 du traité.
25 Selon une jurisprudence constante, cette disposition exige non seulement l' élimination de toute discrimination à l' encontre du prestataire de services établi dans un autre État membre en raison de sa nationalité, mais également la suppression de toute restriction, même si elle s' applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, lorsqu' elle est de nature à prohiber, à gêner ou à rendre moins attrayantes les activités du prestataire établi dans un autre État membre, dans lequel il fournit légalement des services analogues (voir arrêt du 28 mars 1996, Guiot, C-272/94, Rec. p. I-1905).
26 En l' occurrence, il ressort du dossier et des observations présentées à l' audience par le gouvernement allemand que, en Allemagne, une entreprise n' est autorisée à procéder au recouvrement judiciaire de créances d' autrui que par l' intermédiaire d' un avocat. L' autorisation administrative prévue par l' article 1er, paragraphe 1, du RBerG, à laquelle la juridiction de renvoi fait référence, ne s' applique en effet qu' au recouvrement extrajudiciaire de créances et n' est donc pas pertinente pour la solution de la présente affaire.
27 L' interdiction découlant de l' article 1er, paragraphe 1, du RBerG, pour les entreprises de recouvrement de procéder elles-mêmes, sans l' intervention d' un avocat, au recouvrement judiciaire de créances, même si elle s' applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, est de nature à constituer une restriction à la libre prestation de services au sens de l' article 59 du traité en ce qu' elle rend impossible ces prestations dans l' État destinataire, même si les activités du prestataire dans cet État présentent un caractère purement occasionnel.
28 Dès lors, conformément à une jurisprudence constante, l' interdiction n' échappera à l' interdiction édictée par l' article 59 que si quatre conditions sont remplies, à savoir qu' elle s' applique de manière non discriminatoire, qu' elle se justifie par des raisons impérieuses d' intérêt général, qu' elle est propre à garantir la réalisation de l' objectif qu' elle poursuit et qu' elle ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l' atteindre (voir arrêt Gebhard, précité, point 37). A cet égard, la Cour a également précisé que la libre prestation de services ne peut être limitée que par des réglementations justifiées par des raisons impérieuses d' intérêt général, dans la mesure où cet intérêt n' est pas sauvegardé par les règles auxquelles le prestataire est soumis dans l' État membre où il est établi (voir, en ce sens, arrêts du 26 février 1991, Commission/Italie, C-180/89, Rec. p. I-709, point 17, et Commission/Grèce, C-198/89, Rec. p. I-727, point 18, et du 9 août 1994, Vander Elst, C-43/93, Rec. p. I-3803, point 16).
29 Il y a donc lieu d' examiner si ces quatre conditions sont remplies dans un cas tel que celui du litige au principal.
30 En ce qui concerne la première condition, il résulte de ce qui précède que l' interdiction pour un bureau de recouvrement de procéder lui-même à titre professionnel, sans l' intervention d' un avocat, au recouvrement judiciaire de créances, n' est pas discriminatoire et qu' elle s' applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres.
31 S' agissant de la deuxième condition, le gouvernement allemand fait valoir, sans être contredit sur ce point, que les dispositions de l' article 1er, paragraphe 1, du RBerG visent à protéger, d' une part, les destinataires des services en question contre le préjudice qu' ils pourraient subir du fait de conseils juridiques qui leur seraient donnés par des personnes qui n' auraient pas les qualifications professionnelles ou morales nécessaires et, d' autre part, la bonne administration de la justice (voir arrêt du 25 juillet 1991, Saeger, C-76/90, Rec. p. I-4221, point 16, et, également, arrêt du 3 décembre 1974, Van Binsbergen, 33/74, Rec. p. 1299).
32 S' agissant toutefois des troisième et quatrième conditions, la Commission et Reisebuero Broede soutiennent que l' interdiction pour un bureau de recouvrement de procéder lui-même au recouvrement judiciaire de créances va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs du RBerG.
33 A cet égard, Reisebuero Broede fait en particulier valoir que ces objectifs pourraient également être atteints par des mesures moins contraignantes. Ainsi, les autorités allemandes pourraient se contenter d' une attestation d' intégrité ou de solvabilité délivrée par les autorités compétentes de l' État membre où le prestataire de services est établi ou exiger de ce dernier qu' il élise domicile dans l' État membre d' accueil afin d' y recevoir la correspondance juridique officielle.
34 La Commission, quant à elle, fait valoir que les restrictions en cause ne concernent ni la protection du créancier ni celle des fonctionnaires chargés de l' administration de la justice, puisque, selon l' article 79 de la ZPO, une demande de saisie-arrêt peut être déposée devant les Amtsgerichte par les créanciers eux-mêmes ou par l' intermédiaire de conseils non professionnels mandatés par ces derniers et qu' une telle demande n' est pas soumise à l' obligation de se faire assister d' un avocat.
35 Il convient de constater, en premier lieu, que le litige au principal concerne la représentation en justice des particuliers par une tierce personne morale agissant à titre professionnel. A cet égard, le gouvernement allemand a expliqué que la possibilité, prévue par l' article 79 de la ZPO, pour un créancier d' agir en justice lui-même ou par l' intermédiaire d' une autre personne vise à limiter les coûts des procès devant les tribunaux inférieurs aux Landgerichte. La possibilité d' agir en qualité d' intermédiaire ne serait accordée qu' aux personnes physiques. Ces personnes peuvent, le cas échéant, bénéficier, dans les locaux mêmes des tribunaux, des conseils de personnes expérimentées en la matière. Il en irait autrement s' il s' agissait de la prestation de services judiciaires à titre professionnel. En effet, les dispositions pertinentes du RBerG réserveraient cette activité aux avocats qui sont personnellement responsables devant les juridictions.
36 Dès lors, le fait, relevé par la Commission, qu' un créancier ou un conseil non professionnel mandaté par ce dernier puisse déposer une demande de saisie-arrêt n' empêche pas de considérer qu' une législation telle que celle en cause dans le litige au principal se justifie par des raisons d' intérêt général liées à la protection des créanciers ou à la protection de la bonne administration de la justice en ce qui concerne la fourniture de services judiciaires à titre professionnel.
37 En second lieu, il est de jurisprudence constante que, en l' absence de règles communautaires spécifiques en la matière, chaque État membre a la liberté de réglementer l' exercice de la profession d' avocat sur son territoire (voir arrêt du 12 juillet 1984, Klopp, 107/83, Rec. p. 2971, point 17).
38 En effet, ainsi que la Cour l' a itérativement observé, l' application de règles professionnelles aux avocats, notamment les règles d' organisation, de qualification, de déontologie, de contrôle et de responsabilité, procure la nécessaire garantie d' intégrité et d' expérience aux consommateurs finaux des services juridiques et à la bonne administration de la justice (voir, en ce sens, arrêt du 19 janvier 1988, Gullung, 292/86, Rec. p. 111, et arrêt Van Binsbergen, précité).
39 Selon le gouvernement allemand, ne permettre qu' aux avocats de représenter en justice à titre professionnel des particuliers dans un domaine juridiquement complexe et réglementé par de nombreuses dispositions particulières garantit la protection, d' une part, des destinataires des services et, d' autre part, de la bonne administration de la justice contre les risques qui résulteraient de l' incompétence ou de l' inexpérience des bureaux de recouvrement dans ce domaine.
40 Dans un cas tel que celui de l' espèce au principal, ces garanties seraient d' autant plus nécessaires que la procédure a pour objet l' exécution forcée d' un titre exécutoire, par voie d' une ordonnance de saisie-arrêt, à l' encontre d' un particulier, et que, par conséquent, les règles procédurales assurant la protection des particuliers doivent être respectées.
41 Or, l' appréciation de la nécessité de réserver l' activité, à titre professionnel, du recouvrement judiciaire de créances relève, dans l' état actuel du droit communautaire, de la compétence des États membres. Même si, dans certains États membres, cette activité n' est pas réservée aux avocats, la République fédérale d' Allemagne est en droit de considérer que les objectifs poursuivis par le RBerG ne peuvent pas, pour ce qui concerne cette activité, être atteints par des moyens moins restrictifs.
42 S' il est vrai qu' il n' existe pas en France de réglementation légale pour les bureaux de recouvrement, le fait qu' un État membre impose des règles moins strictes que celles imposées par un autre État membre ne signifie pas que ces dernières sont disproportionnées et, partant, incompatibles avec le droit communautaire (voir arrêt du 10 mai 1995, Alpine Investments, C-384/93, Rec. I-1141, point 51).
43 Il convient dès lors de répondre à la première question de la juridiction de renvoi que l' article 59 du traité ne s' oppose pas à une réglementation nationale qui interdit à une entreprise établie dans un autre État membre de procéder au recouvrement judiciaire de créances d' autrui en raison du fait qu' une telle activité, exercée à titre professionnel, est réservée à la profession d' avocat.
Sur la seconde question
44 Compte tenu de la réponse apportée à la première question, il n' y a pas lieu de répondre à la seconde.
Décisions sur les dépenses
Sur les dépens
45 Les frais exposés par le gouvernement allemand et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l' objet d' un remboursement. La procédure revêtant, à l' égard des parties au principal, le caractère d' un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Dispositif
Par ces motifs,
LA COUR (cinquième chambre),
statuant sur les questions à elle soumises par le Landgericht Dortmund, par ordonnance du 27 décembre 1994, dit pour droit:
L' article 59 du traité CE ne s' oppose pas à une réglementation nationale qui interdit à une entreprise établie dans un autre État membre de procéder au recouvrement judiciaire de créances d' autrui en raison du fait qu' une telle activité, exercée à titre professionnel, est réservée à la profession d' avocat.
Écrit par : De Me TRONCHET la suite | 09/09/2011