Bockel : Pour une nouvelle stratégie de promotion du droit continental (20/11/2009)

DROIT CONTINENTAL.jpgfondation du droit continantal.giffondation du droit continantal.gifPour une nouvelle stratégie de promotion du droit continental  

 

 PAR JEAN-MARIE BOCKEL  SECRETAIRE D'ETAT À LA JUSTICE.

 

source les echos du 20.11

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La fondation du droit continental 

« continental law and the global financial crisis-
contributions toward a better regulation 
 

Union internationale du notariat (uinl)

 

  doing business 2010: cinq années de reformes.   

doing business in France 2010

 

 

La crise économique majeure que nous traversons et l'analyse de ses causes ouvrent un espace pour évaluer plus correctement la valeur comparative des grandes familles du droit. Cette évaluation permettra, à mon sens, de mieux appréhender les avan­tages comparatifs du droit continental à l'égard du droit anglo-saxon et lui redonnera une force d'entraînement.

 

Le moment est crucial pour définir une stratégie d'influence du droit et de ses praticiens français au sein de l'espace judiciaire international.

 

Le droit continental, j'en suis convaincu est porteur d'avenir, à condition de le défendre, de le promouvoir et de l'illustrer.

La mondiali­sation économique s'est accompagnée également d'une tentative de mondialisation juridique ou, plus exactement, d'homogénéisation où le droit anglo-saxon entendait bien prétendre à l'hégémonie culturelle, tant en ce qui concerne les élites économiques et financières que les élites politico-administratives. Ainsi, nous avons subi de plein fouet une véritable offensive qui, voulant mettre en concurrence les systèmes juridiques, n'avait pas de mots assez durs pour stigmatiser notre droit continental afin de démontrer l'absolue supériorité du modèle anglo-saxon.

Jamais la période ne s'est mieux prêtée à une telle remise en cause de fausses évidences assénées avec une certaine outrance par les instances de la gouvernance mondialisée à l'instar d'un rapport intitulé « Doing Business », qui prétendait placer la France, dans un classement baroque, en 44e position, entre la Jamaïque et les Kiribati ! En matière d'attractivité du droit, la France se voyait ainsi grossièrement disqualifiée ; la « French Civil Law » constituant en quelque sorte un obstacle naturel au développement.

Le rapport Doing Business s'efforce ainsi de démontrer chaque année que les pays de tradition civiliste imposent plus de délais, de coûts et de complexité pour la vie des affaires que les pays de tradition de Common Law.

En traitant la norme juridique au moyen d'une grille de lecture économique axée sur la recherche de l'efficacité, on prépare utilement le terrain à un discours qui évalue l'incidence des règles juridiques sur l'organisation et les performances économiques immédiates.

Dans une telle perspective, on est amené assez rapidement à réduire l'ensemble des phénomènes juridiques à des facteurs économiques, et partant à occulter toute forme d'autonomie du droit, voire toute forme d'autonomie du politique.

La norme juridique dès lors n'est plus envisagée que de manière instrumentale, comme un outil mobilisé au service d'objectifs définis en termes économiques. Ainsi, le droit des marchés financiers, le droit des sociétés et la réglementation bancaire sont analysés comme des déterminants dans le développement des marchés efficients du capital.

De cette évaluation, il ressort que les systèmes de Common Law marqués par une faible codification du droit et une contribution importante des tribunaux à la production du droit seraient de meilleurs vecteurs de croissance économique que les systèmes de droit civil, eux-mêmes caractérisés par une origine législative et réglementaire du droit et une place seconde accordée aux tribunaux.

Se voit ici promu un droit judiciaire décentralisé (le droit de Common Law) compatible avec la conception de l'ordre spontané du marché qui assurerait davantage de libertés individuelles et plus de limites au gouvernement que le droit rationaliste et constructiviste issu des conceptions napoléoniennes. Ainsi, les pays de Common Law accorderaient au pouvoir judiciaire une plus grande indépendance que les pays de droit civil, qui permettraient quant à eux à l'Etat davantage de latitude pour interférer avec la propriété et les droits contractuels qu'en régime de Common Law.

La période qui s'ouvre est propice à un sursaut salvateur, à condition de croire en nous-mêmes et de nous employer à reconquérir ­notre légitimité, mais aussi à convaincre que notre système juridique comporte ses propres avantages comparatifs. L'Etat a fait son retour, le modèle social français brille d'un nouvel éclat, y compris dans les colonnes d'une presse anglo-saxonne jusque-là très orthodoxe et souvent prompte à railler notre archaïsme. Il est vrai que le retour à la règle, énoncé au fil des sommets internationaux depuis l'occurrence de la crise, a contribué à discréditer une posture idéologique qui conduisait à considérer le droit comme une sorte de rigidité insupportable.

Ainsi, cette année, pour la première fois une importante délégation pluridisciplinaire de juristes français et allemand est venue présenter une sélection d'outils juridiques de droit continental en partenariat avec cette même Banque mondiale, à l'occasion d'un colloque intitulé « Continental Law and the Global Financial Crisis-Contributions Toward a Better Regulation ».

 

Ont été ainsi présentés les atouts de l'immatriculation foncière, les techniques de réduction des risques sur le marché hypothécaire ou celles d'une meilleure gestion des saisies immobilières.

La Common Law ne constitue à l'évidence pas un horizon indépassable, d'autant que nombre d'Etats ne se sentent pas anthropologiquement à l'aise avec ce modèle et sont inversement beaucoup plus en phase avec le droit continental. De nombreux aspects de ­notre droit sont susceptibles de répondre à ­l'aspiration d'Etats qui prennent leur place dans ce monde qui est à la fois celui de l'après-chute du Mur et celui de l'après-crise.

Je pense enfin à l'influence que doit légitimement exercer la France en matière de formation des magistrats. L'Ecole nationale de la magistrature est souvent source d'inspiration pour les pays désireux de moderniser la formation de leurs juges. N'ayons pas peur de la concurrence lorsqu'elle n'est pas déloyale, à condition de définir une stratégie d'influence à l'international qui requiert le rôle de l'Etat. Faisons valoir et cultivons le souci d'excellence du droit français et continental, développons les circuits de cette influence.

Ce combat qui trouve une nouvelle actualité doit être gagné.

 

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