Gouvernance par Jean-Luc Forget (28/04/2011)

JEAN LUC FORGET.jpgDe la gouvernance par Jean-Luc Forget  

 

Les tribunes sur la gouvernance

 

 

Jean-Luc Forget, ancien bâtonnier de Toulouse, prendra en janvier 2012 la présidence de la Conférence des bâtonniers.

 

La réflexion sur la gouvernance de la profession est pour lui un des enjeux prioritaires des mois qui viennent. Il plaide en faveur d'un nouveau mode d'élection au CNB, et développe l'idée de la "mutualisation des services" pour les ordres de province.

 

SOURCE Entretien Actuel Avocat par  Elodie Touret 22.04.2011

 

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Quel est l'enjeu d'une réflexion sur la gouvernance de la profession, aujourd'hui ?


Le CNB correspondait à une diversification de notre activité, lors de l'intégration des conseils juridiques, en 1991. Il s'agit de vérifier que cette instance est effectivement représentative des avocats et de leur diversité.

 

Le constat est assez simple : les avocats, individuellement, ne se retrouvent pas dans leur institution, ils la cherchent et la confondent avec d'autres. Le CNB a une certaine crédibilité face aux pouvoirs publics, mais pas pour les avocats. Et ce n'est pas une question de pertinence des travaux qui y sont menés. Le manque de communication, de pédagogie et de lisibilité pour les avocats gâche la qualité des gens qui sont au CNB : ils sont compétents, très investis, mais les avocats ne le savent pas.

D'où vient le problème, selon vous ?

Les confrères ne savent pas qui compose le CNB. Peut-être parce que le mode d'élection des deux collèges est inadapté. Il n'est pas suffisamment démocratique et terriblement complexe. Quand on vote pour le collège général dans un barreau de province, c'est pour une liste nationale composée d'associations et syndicats professionnels dont on ne mesure pas toujours l'effective représentativité. On se trouve très loin de sa représentation. Quant au collège ordinal, ce ne sont que les membres des conseils de l'ordre qui votent, pour une liste proposée, préparée à l'avance par la Conférence des Bâtonniers, ce n'est pas beaucoup plus démocratique !

 

Seriez-vous favorable à un Ordre national ?

Je ne l'exclus pas, mais on a tendance dans cette profession à mettre beaucoup trop vite un mot qui ferme le débat. Ce mot oppose futuristes et réactionnaires : quel mauvais débat que de se situer dans ce cadre-là ! Mais je ne dis pas que la fin de notre réflexion ne sera pas de concevoir un Ordre national. Cependant, si c'est simplement pour donner un nouveau nom au Conseil national des barreaux, autant ne rien changer. Un Ordre, pour moi, c'est autre chose : ce serait avoir une compétence disciplinaire, que la loi ne nous donne pas. En tout cas, parce que les ordres sont élus au suffrage direct, ce serait une expression représentative directe. Mais ceci, le Conseil national peut aussi le faire.

 

Et les 158 ordres locaux ? Faudrait-il les regrouper ?


Je crois à la pertinence et l'efficacité des 158 ordres : partout où il y a un TGI et un procureur, il faut qu'il y ait en face un barreau et un bâtonnier. Ils sont précieux, tant pour la profession que pour l'État, nous l'avons encore vu il y a quelques jours avec la garde à vue : ils étaient tous prêts. Je crois profondément à cette proximité territoriale, c'est elle qui crée l'autorité indispensable pour exercer notre indépendance. Mais certaines fonctions de service peuvent être rendues plus pertinentes dans le cadre de mutualisations.

Pouvez-vous nous expliquer votre conception de la mutualisation ? Cela signifie-t-il qu'il faudrait créer un échelon supplémentaire ?


L'ordinalité s'est trop souvent organisée de façon désordonnée, souvent de manière défensive : certaines Carpa se sont associées, lorsque l'une avait des problèmes. Je conçois la mutualisation dans une perspective offensive. Cela peut être pour les services financiers, pour le contrôle de la comptabilité des avocats, c'est-à-dire un regroupement technique des services, toujours avec cette idée d'une meilleure efficience et cohérence si l'on mutualise. Cela suppose en effet de réfléchir au territoire. Pour moi, c'est dans celui de la cour d'appel, qui existe déjà, que s'inscriraient le mieux ces efforts. Il n'est pas question de créer un échelon supplémentaire, mais au contraire de mettre à plat toutes les circonscriptions nées de nécessités de se regrouper, subies. Je pense à une mutualisation non imposée, mais provoquée : quand un bâtonnier envisage une mutualisation sur un point, il la soumet aux autres bâtonniers, avec un vote. Quand on vote, il y a un débat, et quand il y a un débat, les idées circulent, cela permettrait d'installer un débat concret, et rendrait vivante cette idée de mutualisation des services rendus aux confrères.

Quel est le rôle de la Conférence des bâtonniers dans ces nouvelles perspectives ?


Elle n'est pas à ranger au musée ! La Conférence organise la défense d'ordres modernes et efficaces. Je veux que les responsables ordinaux aient une véritable structure de formation, afin que ces femmes et hommes qui donnent de leur temps au bénéfice de la profession acquièrent des compétences indiscutables. La Conférence est ce lieu de formation. Nous avons un autre atout considérable : les conférences régionales, qui ne sont pas des lieux de pouvoir, mais des structures de réflexion particulièrement adaptée aux débats. Nous sommes pour l'instant trop dans la réaction. Je n'entends pas être directif, mais la Conférence va de temps en temps imposer des débats aux conférences régionales. Mon idée est de faire en sorte qu'elles soient un outil de proposition qui nous permette de prendre des positions positives, avec des perspectives.

Enfin, quel calendrier envisagez-vous ?


J'aimerais que l'on décide dans l'année qui vient. Ce serait le début d'une mandature, et l'on réforme utilement les institutions en début de mandature. Le défi de la gouvernance — sans précipitation — est celui de l'année qui vient, qui se terminera en avril 2012.

 

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