CEDH c.France avril 2015 trois arrêts pour NOS libertés (25/04/2015)
I Les visites domiciliaires et saisies visant des sociétés commerciales appellent un contrôle concret du juge
II Le placement en garde à vue d’un avocat venu au commissariat dans le cadre de ses fonctions n’était pas justifié
III La condamnation de l’avocat de la veuve du juge Borrel pour diffamation était une ingérence disproportionnée dans son droit à la liberté d’expression
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Les visites domiciliaires et saisies visant des sociétés commerciales appellent un contrôle concret du juge
AFFAIRE VINCI CONSTRUCTION ET GTM GÉNIE CIVIL ET SERVICES
c. FRANCE
(Requêtes nos 63629/10 et 60567/10) 2 avril 2015
Dans son arrêt de chambre1, rendu ce jour dans l’affaire Vinci Construction et GTM génie civil et services c. France (requêtes nos 63629/10 et 60567/10), la Cour européenne des droits de l’homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu :
- Violation de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention européenne des droits de l’homme, et
- Violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale, du domicile et de lacorrespondance).
L’affaire concerne les visites et saisies réalisées par des enquêteurs de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes dans les locaux de deux sociétés. Elle porte principalement sur la mise en balance des intérêts relatifs, d’une part, à la recherche légitime de preuves d’infractions en matière de droit de la concurrence et, d’autre part, au respect du domicile, de la vie privée et des correspondances, et notamment de la confidentialité entre un avocat et son client.
La Cour estime que les garanties prévues par le droit interne, encadrant les visites et saisies réalisées en matière de droit de la concurrence, n’ont pas été appliquées en l’espèce de manière concrète et effective, notamment au regard de la présence avérée de correspondances entre un avocat et son client parmi les documents saisis, lesquelles font l’objet d’une protection renforcée. La Cour dit que le juge saisi d’allégations motivées selon lesquelles des documents précisément identifiés ont été appréhendés alors qu’ils relevaient de cette confidentialité ou qu’ils étaient sans lien avec l’enquête doit statuer sur leur sort au terme d’un examen précis et ordonner, le cas échéant, leur restitution.
II Le placement en garde à vue d’un avocat venu au commissariat dans le cadre de ses fonctions n’était pas justifié
AFFAIRE FRANÇOIS c. FRANCE
(Requête no 26690/11 23 avril 2015
Dans son arrêt de Chambre1, rendu le 23 avril dans l’affaire François c. France (requête no 26690/11), la Cour européenne des droits de l’homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu :
Violation de l’article 5 § 1 (droit à la liberté et à la sûreté) de la Convention européenne des droits de l’homme.
L’affaire concerne le placement d’un avocat en garde à vue dans un commissariat à la fin de son intervention, en sa qualité d’avocat, d’assistance à un mineur placé en garde à vue.
La Cour estime que le fait de placer Me François en garde à vue et de le soumettre à une fouille intégrale et à un test d’alcoolémie excédait les impératifs de sécurité et établissait une intention étrangère à la finalité d’une garde à vue. La Cour note également, d’une part, qu’il n’existait pas à l’époque des faits de réglementation autorisant une fouille allant au-delà des palpations de sécurité ,et, d’autre part, que le test d’alcoolémie a été réalisé alors qu’il n’y avait aucun indice indiquant la commission par le requérant d’une infraction sous l’empire de l’alcool.
La condamnation de l’avocat de la veuve du juge Borrel pour diffamation était une ingérence disproportionnée
dans son droit à la liberté d’expression
(Requête no 29369/10) 23 avril 2015
Dans son arrêt de Grande Chambre1, rendu ce jour dans l’affaire Morice c. France (requête no 29369/10), la Cour européenne des droits de l’homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu :
Violation de l’article 6 § 1 (droit à un procès équitable) de la Convention européenne des droits de l’homme
Violation de l’article 10 (liberté d’expression) de la Convention
L’affaire concerne la condamnation pénale d’un avocat, en raison de propos relatés dans la presse, pour complicité de diffamation des juges d’instruction qui venaient d’être dessaisis de l’information relative au décès du juge Bernard Borrel.
La Grande Chambre dit en particulier que Me Morice s’est exprimé par des jugements de valeur reposant sur une base factuelle suffisante. Ses propos n’ont pas dépassé les limites du droit garanti par l’article 10 et ils concernaient un sujet d’intérêt général, à savoir le fonctionnement de la justice
et le déroulement de l’affaire Borrel. La Grande Chambre souligne néanmoins que l’avocat ne saurait être assimilé à un journaliste puisqu’il n’est pas un témoin extérieur chargé d’informer le public, mais qu’il est directement impliqué dans le fonctionnement de la justice et dans la défense d’une partie. La Grande Chambre dit en outre qu’il faut accorder une grande importance au contexte de cette affaire, tout en soulignant qu’il convient de préserver l’autorité du pouvoir judiciaire et de veiller au respect mutuel entre magistrats et avocats.
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